« Si je vous fais embarquer par trois agents de l’antenne du GIGN dans un fourgon, je vous ferai avouer le meurtre de Kennedy » s’emporte le procureur Rieu, convaincu que la violence ferait avouer tout et n’importe quoi. Devant lui, le prévenu se voit en effet reprocher un enlèvement et des violences envers un mineur de 13 ans. En 2016, dans un contexte social encore tendu, le gamin avait volé un autoradio à Pamandzi. « Comme toutes les semaines » selon le prévenu. Ce soir-là, ce dernier surprend les voleurs et identifie l’adolescent, qui est capturé par les gendarmes et placé en garde à vue.
Le lendemain, quand le mineur sort de la gendarmerie avec son père, deux voitures les accostent. Un groupe d’homme sépare les deux victimes qui sont emmenées séparément. Le père est déposé chez lui et l’enfant, est emmené par les deux cousins convoqués au tribunal, sur une plage où il est frappé et déshabillé. Le prévenu reconnaît des « baffes », dans la voiture et sur la plage, notamment quand la victime refusait de lui répondre sur l’emplacement de ses copains.
Le substitut Pascal Bouvart voit là un « traitement humiliant et dégradant ». Pas le prévenu qui n’y voit qu’une « correction », tout en admettant à demi-mot que c’était « très grave ».
Pour le procureur, il y avait dans cette défense une « légèreté qui me gène beaucoup », il dénonce une « affaire préméditée » et ironise sur une « magnifique façon de régler les conflits ». « Imaginez un enfant de 13 ans, embarqué par des gens qu’il ne connaît pas, frappé à chaque fois qu’il ne répond pas à une question ».
D’autant que dans ce règlement de compte, un des auteurs, absent à la barre, n’est pas tout blanc. « L’ironie c’est que le co-auteur, qui veut corriger un voleur d’autoradio, a un casier pour recel, vol et stupéfiants ».
Jugeant la méthode « inutile et toxique » il estime en outre que ces pratiques « contribuent à la violence sur cette île » et réclame un an ferme à l’encontre des deux cousins.
Pour Yanis Souhaïli, avocat de la défense, ces faits sont le reflet de l’image de la justice. « La loi, on a l’impression qu’elle est mal faite. Un mineur est arrêté pour de nombreux vols et est libéré immédiatement. C’est un problème que les Mahorais ont du mal à comprendre, qu’on dépose plainte et qu’on recroise l’auteur dans la rue sans savoir s’il y a eu une réponse pénale. Il y a ce fossé entre ce qu’on attend de la population et la réalité du terrain. » Il estime en outre les réquisitions « excessives ».
Un argumentaire entendu par le tribunal qui a prononcé 5 mois ferme à l’encontre des deux cousins et complices. Une peine aménageable puisque prononcée sans mandat de dépôt.
Y.D.