Département/Région : Issihaka Abdillah interpelle sur le financement et le mode de scrutin

L’ancien élu du Département s’est penché sur la proposition de loi Thani issue du « toilettage institutionnel ». Il l’approuve globalement mais appelle à la faire encore évoluer.

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Issihaka Abdillah invite à l'humilité et à l'action

La présentation conjointe des lois organique et ordinaire par le président Soibahadine Ibrahim Ramadani et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, concrétisant le « toilettage institutionnel », a fait couler beaucoup d’encre. Des commentaires positifs, mais aussi beaucoup de bêtises, avec souvent des arguments fantasmés, à la lecture desquels on pouvait penser que le président allait commencer, à 70 ans, une carrière de dictateur. Heureusement, il y a eu des précédents*, et démentis…

L’ancien conseiller général de Bandraboua, Issihaka Abdillah, contributeur régulier des colonnes du JDM, se positionne en faveur de ces propositions de lois « pour leur apport au développement de Mayotte », mais fait deux observations majeures.

La première porte sur le mode de scrutin proportionnel à deux tours par liste**, que les élus veulent désormais adopter : « Il faut l’éclaircir. Et encore faire évoluer le mode de scrutin pour coller à la réalité du territoire, en respectant à la fois sa dimension départementale et régionale. Il faut donc avoir des élus appartenant à une section, et d’autres élus non fixés à un canton. A La Réunion, Didier Robert, le président de région, n’est pas issu d’une section particulière. »

Une étude d’impact… passé et à venir

Les collèges en préfabriqués devront être améliorés

La seconde vise le financement des compétences de Région que doit récupérer Mayotte, et leur calendrier. « Le texte de Thani prévoit une dotation exceptionnelle annuelle de rattrapage 90 millions d’euros de compensation de l’Etat pour les compétences que nous récupérerions, c’est une bonne chose, mais sur quelle période ? Quand on a décentralisé peu à peu les compétences vers les régions françaises, la Commission consultative sur l’évaluation des charges a été saisie pour les chiffrer financièrement. Or, sur les 300 dossiers gérés par cette commission, il n’y en a pas un seul sur Mayotte ! »

La proposition de loi ordinaire prévoit une telle commission au niveau local (présidée par un magistrat de la chambre territoriale des comptes), mais l’élu appelle à aller plus loin, « notamment en actant les compétences déjà transférées. Par exemple, même si le social relève du Département, cela doit être précisé dans un acte. » Une évaluation poste par poste des décentralisation successives que Mayotte a pris en bloc, de plein fouet, mais qui n’a jamais été faite, « c’est l’étude d’impact que réclame le Conseil économique et social de Mayotte. »

En terme de délai, il appelle à clarifier les échéances : « Notre sénateur préconise que l’Etat conserve les compétences des constructions scolaires du second degré et des routes, je suis d’accord avec lui. Mais il va falloir le récupérer à un moment donné si on veut se doter d’un nombre suffisant de collèges et de lycées. Même si c’est dans deux décennies, il faut fixer une date, pour que d’ici là, l’Etat construise du neuf, et consolide l’existant, et ne nous transfère pas des structures en préfabriquées. »

Pas de dématérialisation sans connexion

Des accès multimédias se mettent peu à peu en place

Même s’ils sont plus anecdotiques, il revient sur d’autres points de la proposition de loi. C’est le cas du conseil cadial, « qui doit définir des missions claires de médiation sociale à des cadis formés », de la transformation du STM, le Service de Transport Maritime, en un établissement public, « pour lequel l’Etat doit financer la continuité territoriale ».

Pas de problèmes sur la mise en place du Congrès des élus, « qui doit être associé aux grands débats locaux. Il existait d’ailleurs déjà avec la Conférence des exécutifs, que les présidents du Département n’ont jamais activé ».

Et réclame « un droit à l’expérimentation » puisque la loi prévoit « l’évolution des normes », ce qui passe aussi par une adaptation aux évolutions quand elles se font au détriment d’un territoire pas encore structuré. Il donne deux exemples : « Le gouvernement cherche à diminuer les dotations aux Chambres consulaires, mais ici, elles commencent à peine à s’organiser et à produire des effets positifs. Autre secteur, la dématérialisation imposée à tous, mais a-t-on mené une étude sur le degré d’informatisation du territoire qui dépasse à peine les 40% ?! On ne peut pas dire ‘mettez-vous aux normes’, si rien n’est structuré. »

Dernier exemple parlant, lui aussi d’actualité, les normes sismiques : « Ne va-t-on pas s’apercevoir que les normes métropoles ne s’adaptent plus sur un territoire où sévit l’essaim sismique depuis 10 mois ? »

Des thèmes « prévus dans la loi Thani, mais dont il faut évaluer plus précisément les financements ».

Anne Perzo-Lafond

* En pleine guerre d’Algérie, et après un remaniement ministériel, le général de Gaulle de retour au pouvoir : « Croit-on, qu’à 67 ans, je vais commencer une carrière de dictateur ? »
** Les élections régionales ont lieu au scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire : la liste qui recueille le plus grand nombre de voix obtient une prime de 25 % des sièges à pourvoir (afin de dégager une majorité stable)

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