L’objectif de départ de l’ASSECO, l’Association de consommateurs de l’UI CFDT Mayotte, ce mardi matin, était d’informer ses délégués salariés du volet Santé du Bouclier Qualité Prix (BQP), en particulier en cette période de début de Ramadan.
Leslie Pontvianne et Estelle Bertrand ont rappelé les enjeux du BQP. Issu de la loi Lurel de combat contre la vie chère dans des outre-mer, principal carburant des mouvements sociaux, il permet de produire une liste type et adapté aux habitudes de consommation de chaque territoire ultramarin. Des habitudes pas toujours bénéfiques pour la santé pourtant, que le BQP a cherché depuis 2015 à réorienter grâce au panier Santé.
A Mayotte, parmi la population touchée par le diabète, 79% des hommes et 94% des femmes était en surpoids en 2008, nous apprenait l’étude Maydia (Mayotte Diabète). Or, la moitié de la population vit avec moins de 384 euros par mois (INSEE), et consacre 27% de ses dépenses à l’alimentation, un budget qui sert à 26% à acheter des sodas, et seulement 8%, du poisson.
Le Bouclier Qualité Prix, initialement élaboré pour lutter contre la vie chère, est devenu un outil pour réorienter la consommation vers des produits de meilleures qualité. En tout cas, l’intention est là. En retravaillant notamment le groupe alimentaire des produits sucrés, salés et gras, « le groupe plaisir », synthétisaient les intervenantes.
Des jus de fruit « plaisir »
Un instrument a joué en faveur de cette évolution : le Programme National de Nutrition Santé (PNNS), qui a compris qu’il fallait fusionner nutrition et activité physique, « on ne peut se contenter de s’alimenter de façon équilibrée sans pratiquer d’activité physique ». L’antenne locale de l’ARS l’a déjà décliné en « Mangez sain, bougez malin ». Lancé en 2001, la 4ème version du PNNS est sortie en janvier dernier, et apporte une foule de recommandation, comme cuisiner « maison », pratiquer 30 minutes d’activité physique quotidienne, « aller au travail ou à la mosquée à pied par exemple », modérer les féculents, privilégier l’huile d’olive, « mais pas en friture, elle libère des toxine », réduire la consommation d’alcool, etc.
En cherchant à adapter ce Programme fraichement sorti au Bouclier Qualité Prix, deux modifications notables sont nées : les jus de fruit industriels n’appartiennent plus au groupe ‘Fruits et légumes’, mais à celui des ‘aliments sucrés/plaisir’, « car ils contiennent plus de sucre que de fruits », un groupe que les céréales matinales ont aussi rejoint, « en particulier celles au design attirant destinées aux enfants ».
Peu de personnes présentes au Séminaire, et c’est dommage car un débat s’est vite instauré. Tout d’abord, sur la composition du Bouclier en lui-même, avec une quasi totalité de produits importés, comme le chou fleur congelé, moins cher que le frais, ou les pommes, au détriment des produits locaux, comme les brèdes. « Pour intégrer la liste du BQP, il ne doit pas y avoir de rupture d’approvisionnement dans l’année, or, la production locale est en volume insuffisante », décryptaient Leslie Pontvianne et Estelle Bertrand. La filière poulet de chair est encore en cours de consolidation, ne permettant pas à la marque « Mon Pouletti » d’intégrer encore la liste BQP.
Des négociations dans la précipitation
Pour analyser l’impact du BQP mahorais, elles se sont basées sur une étude menée sur le BQP par Zalafa Soumaïli en 2018, qui pointait un déficit d’affichage des produits listés dans les trois groupes Sodifram, Jumbo et Somaco, regroupant une trentaine d’établissements, ainsi qu’une rupture de stocks de certains d’entre eux, « comme le foie de bœuf ou les yaourts ». Un intervenant déplorait que la négociation du BQP se fasse dans la précipitation, « la préfecture appelle les associations de consommateurs trois jours avant ». Seule la CFDT avait répondu présent à la dernière négociation qui avait abouti à une liste de 77 produits pour 193 euros.
Un responsable achat de la grande distribution regrettait l’absence des acteurs concernés lors de ces discussions entre services du SGAR de la préfecture et la grande distribution : « Il serait utile par exemple qu’un représentant de la Laiterie de Mayotte soit présent, qui aurait expliqué la complexité du process de production de leurs yaourts natures, et donc périodiquement détruits, alors qu’il figure au BQP. » Pour RéDiabYlang, impossible de les substituer par d’autres yaourts aromatisés de la marque, « trop sucrés ! »
« Personne n’est transparent ! »
Parmi les produits apparaissant les meilleurs pour la santé, certains sont choisis par les importateurs parce que « les moins chers à acheter », reprochait l’un des participants. Le steak de 15% était cité en exemple, « ce n’est pas du steak, mais de la viande hachée ». « On ne prend donc pas en compte le critère qualité, mais le critère prix », reprochait un autre participant au Séminaire, qui reprochait un manque de transparence de la part du « lobby de la grande distribution ».
Alors que la hausse des prix des produits alimentaires est continue à Mayotte, 4% contre 1% en métropole, le responsable achat expliquait que la hausse de ces produits était générale, « sur la France entière », et se rapportait à la situation en local : « Pourquoi la grande distribution serait-elle plus transparente que les autres acteurs. Je pense au port où depuis 3 ans les tarifs n’arrêtent pas d’exploser, notamment de stockage des containers, ou à l’électricité dont les prix d’utilisation du triphasé ont augmenté considérablement. Personne n’est transparent ! » A noter que la préfecture a annoncé en mars dernier une étude à venir des prix pratiqués par les acteurs du port de Longoni.
Si le BQP s’avère un dispositif « intéressant » pour lutter contre la vie chère, selon Rediabylang, il doit muscler son volet qualité pour être tout à fait fiable.
Anne Perzo-Lafond
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