Des milliers d’heures d’observation, des statistiques parlantes, mais bien peu d’enthousiasme à financer une suite. L’association des Naturalistes a présenté ce vendredi un bilan de son opération de comptage des pontes de tortues à Saziley, menée depuis le mois de février, devant des partenaires peu enclins à mettre la main à la poche, chacun se renvoyant la balle quant à la responsabilité de financer une telle action. Jusqu’à pointer le Département, qui n’étant pas présent à la réunion n’a pu répondre.
Le protocole auquel se sont tenus salariés et bénévoles de l’association était pourtant des plus intéressants. Mis au point par le centre Kelonia de La Réunion et l’Ifremer, il consistant à parcourir la plage de Saziley toute la nuit ,trois nuits par semaine, à la lumière des étoiles, et à compter, mesurer et répertorier chaque trace de montée. Le but, savoir combien de tortues pondent, afin de mieux évaluer l’impact du braconnage, mais aussi définir des programmes de protection plus efficaces.
En tout, pas moins de 85 personnes ont participé à cette vaste action, soit 7 à 8 personnes chaque nuit, pour un total de 328 nuits, dénombre Cassandra Coulomb, qui coordonnait l’action. Le bilan depuis février fait état de 1129 montées constatées. Parmi ces montées, seules 39% ont donné lieu à des pontes. Les échecs montent jusqu’à 80% en présence de bivouacs ou de plongeurs, signe de l’impact des activités humaines sur la reproduction de ces reptiles protégés.
Des activités variées, avec chacune un impact différent. Le plus connu est bien évidemment celui des braconniers. Ainsi les 25 et 29 mars, les Naturalistes ont pu constater 4 tortues tuées la même nuit. Moins fatales mais bien gênantes, les lumières des promeneurs, chasseurs de tangues (landras) ou de coquillages, et celles des immigrés qui accostent. Sur 45 nuits, 4 débarquements ont été constatés. « Ce sont des dizaines de lampes électriques » déplore Michel Charpentier, président de l’association.
Les bivouacs sur ou en bord de plage, les bateaux au mouillage et les plongées de nuit sont, on l’a vu, également nuisibles.
Des chiens dévastateurs
Le plus destructeur reste sans doute le phénomène des chiens errants, qui peuvent déterrer plusieurs dizaines de nids par semaine. Lors du comptage du 24 mai, 24 nids avaient été déterrés sur les 3 derniers jours.
Chiffre plus dramatique encore, quoique non officiel car pas inscrit dans les missions que s’est fixée l’association, si les tortues sont souvent plus d’une dizaine à pondre chaque nuit sur cette plage emblématique, il est rare de constater plus d’une ou deux émergences. Les nids étant soit dévastés par les chiens, soit inondés par les grandes marées, voire parfois détruits par une autre tortue venue pondre au dessus d’une précédente, il en résulte un taux de survie infime. Enfin, les tortues qui malgré tout viennent au monde sont elles aussi impactées dès leur naissance par l’homme. Attirées par les lumières, elles s’éloignent de la mer au lieu de s’y précipiter. « Les bébés tortues suivent les lumières, peu importe qu’elles soient blanches, rouges, ou venant d’un feu. S’il y a du feu, les bébés tortues rentrent dans le feu » a pu constater Ali Mohamed, garde nature pour le Département. « Si on ne fait rien, dans quelques années il n’y aura plus de tortues à Mayotte » prévient-il.
Un avertissement pas suffisant pour agiter les porte-monnaies. « S’il n’y a pas de financement, il faut mieux arrêter » regrette Michel Charpentier, qui ne perd pas espoir de voir naître « une réserve naturelle sur le secteur » avec « un plan de gestion costaud ».
Y.D.