Nouvelles conditions d’attribution des bourses dans un contexte de désertification

Médecins, ingénieurs, ou métiers à fort besoin de recrutement… le conseil départemental attend désormais beaucoup de ses étudiants. Et pratique la carotte boursière pour les inciter à s’engager dans ces voies.

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Les nouvelles conditions des bourses présentées par Ali Debré Combo, entouré de Enfanne Hafidhou, Dhahabia Chanfi, Houlame Haladi et Dalilou Bina

Pour se doter de compétences locales, le conseil départemental a décidé de travailler en amont, en encourageant les étudiants à se diriger vers des voies de métiers en tension, ou d’excellence. Pour cela, la DPSU (Direction des Politiques scolaires et universitaires) a décidé d’agir sur les conditions d’octroi de bourses avec un nouveau règlement. Ce sont des aides régionales qui viennent en plus du dispositif national de bourse, pour compenser essentiellement les frais de transports et d’intendance depuis Mayotte.

L’année dernière, un gros bouleversement avait déjà eu lieu avec l’arrêt des bourse pour les lycéens, et l’évolution du temps de présence incompressible nécessaire à leur obtention, « il faut désormais être présent sur le territoire dans les 15 ans qui précèdent la demande de bourse, et non plus depuis l’année 1993 », nous explique Ali Debré Combo, Conseiller départemental qui préside la Commission d’Octroi des Bourses et Aides (COBA).

Une nouvelle orientation qui colle aux directions impulsées par les politiques économiques, sociales et culturelles du Département. Et se traduit par l’éclatement des bénéficiaires en deux groupes, dont le 1er connaît une revalorisation du montant des bourses d’enseignement supérieur et des filières à priorités fortes. Il intègre les études de santé, dont la première année commune (PACES), les grandes écoles, les écoles d’ingénieur, Sciences Po, etc., les études qui correspondent aux besoins en compétence définie par le département en fonction des besoins (par exemple le médico social dans un premier temps, pour évoluer ensuite), et enfin, les autres filières prioritaires d’études supérieures. Le Groupe 2 recouvre les filières à priorité modérée.

Les parents impliqués dans la demande de bourse

Zaina Ibrahim partage son expérience dans la patrie de Shakespeare

Les aides financières regroupent la prime d’installation, et sont fonction du niveau d’études, « en 1ère année, le versement sera de 161 euros, quand pour le doctorat il peut être de 1.265 euros », explique Houlam Haladi, Chef de service Enseignement supérieur. Elles peuvent se doubler d’aides au transport, et d’aides exceptionnelles. Et ce qui se traduit par l’absence de plafond de ressource pour les parents des bénéficiaires du groupe 1, et un plafond de 95.610 euros pour ceux du groupe 2.

L’enveloppe dégagée par le conseil départemental est de 15 millions d’euros chaque année, mais n’est pas entièrement dépensé, comme nous l’explique Ali Debré Combo : « Nous contrôlons mieux les bénéficiaires. Par exemple, l’assiduité au cours est devenue une condition incontournable. Après avoir signé des conventions avec les universités, nous recevons les bulletins en double, qui sont vérifiés par nos médiateurs. C’est de l’argent public, on ne peut pas faire n’importe quoi. » Autre innovations, les parents sont associés, « ils doivent être codemandeurs lors des signatures des dossiers de bourse ». Enfin, les élus ont souhaité mettre en évidence la cohérence des parcours, « depuis l’année dernière, on ne peut plus sortir d’un Bac pro et s’inscrire en première année de PACES. » Le conseil départemental précurseur de Parcoursup !

Fuite des cerveaux

Ali Debré Combo et Enfanne Haffidhou : « Nous contrôlons mieux les bénéficiaires »

Seuls 12 millions d’euros ont été dépensés en 2018, « nous avons utilisé la différence pour mener des opérations d’informations d’actions auprès des jeunes ». Un focus avait été fait lors de la journée nationale des diplômés à Montpellier, « nous voulons mettre en avant la réussite ».

Et la réussite est notamment incarnée dans la salle par Zaina Ibrahim, responsable des ventes de la société SmartGurlz, à Londres : « Après des études en Langues Etrangères Appliquées, je suis allée un an en Espagne, et je vis depuis 11 en Angleterre. » Elle se dit ambassadrice de Mayotte à l’étranger.

Si Houlame Haladi et Enfanne Haffidhou, DGA du Pôle économique et développement, le martèlent de concert, « il faut alimenter le tissu économique de compétences adaptées aux pôles de développement du territoire », on voit mal pour l’instant ce qui pourrait contraindre un Mahorais qui a fait ses études en métropole à revenir sur son île, et la fuite de nos cerveaux ne dit pas autre chose. Une clause de contrainte au retour après avoir bénéficié d’accompagnement de son département ne serait-elle donc pas souhaitable ? Pas nécessairement pour Ali Debré Combo, « on sait qu’un jour ou l’autre, un mahorais rentre au pays, ne serait-ce que pour s’occuper de ses vieux parents. » Une question qui mérite cependant d’être examinée.

Anne Perzo-Lafond

 

23 Commentaires

  1. Discrimination
    Arrangements entre potes
    Mtssss
    Donc si je veux être pâtissier j’aurais pas cette bourse
    Comme au CD ils ont fait des études c’est cette population que vous discriminée qui vous a laissé sur ces postes bande de voraces 😠😠😡😡😡😡😡😠😠😠😠

  2. Il ferait mieux d’améliorer le niveau de notre bac cocotier et, surtout, de ne pas le donner à tout le monde pour faire plaisir. Les étudiants arrivent en métropole avec un niveau lamentable et n’ont quasi aucune chance de passer la première année.

    • Raymond Choungui non mais oh ! On a été en Métropole avec ce BAC cocotier comme vous le dites et ce n’est pas pour autant qu’on a échoué. J’ai toutes mes petites soeurs qui ont aussi réussi avec ce BAC cocotier. Dites moi, vous avez quoi comme BAC au fait ?

    • 93% d’échec des étudiants Mahorais en première année d’études supérieures en métropole (Rapport IEDOM 2018), mais si vous préférez vous voiler la face… J’ai un bac cocotier également mais je ne fais pas de mon cas une généralité.

    • La vérité est que beaucoup trop de nos élèves n’ont pas le niveau requis pour poursuivre les études longues, voire des études jugées comme « excellence ». Nos néo-bachelie.e.s ont une probabilité l’échec supérieur à 90% en 1ère année d’études supérieurs contre environ 50% au niveau national. Ce sont des faits. C’est la réalité. Même si de plus en plus, nous avons des étudiants très diplômés qui reviennent ou pas sur le marché du travail maoré.

    • Dès qu’on dit la vérité on agresse les Mahorais, le bac est donné a Mayotte étant prof je suis bien placé pour le savoir, entre la première notation est rehaussée de 2 points et le repêchage de souvent plus. Résultat plus de 90 pct d’echecs en 1 ere année d’étude sup des Mahorais en métropole.

    • Raymond Choungui pour ma part ce sondage est à la fois vrai et en même temps faux. Car parmis ces 93%, les 2/3 font un mauvais choix d’orientation, il y a aussi le manque de motivation, le mal du pays en plus des problèmes d’argent. Certes il y a le niveau scolaire qui entre en jeux mais ça c’est le cas de tout le monde. Faire des études sup c’est faire le bon choix, ce donner un objectif et surtout se donner les moyens pour réussir.

  3. Comme la journaliste le dit, quel intérêt de financer si en retour il n’y a pas d’obligation de revenir au pays ? Et sans plafond de ressources on sait très bien ce que ça signifie : les enfants des copains vont tous rentrer dans le dispositif… alors même que leur parent pourrait parfaitement financer leurs études !! 🤫🤫

    • Vince Ou non je trouve cette idée géniale car nous autres sans bourses , nous avons un moment choisi de quitter les bancs à contre coeur. Lorsqu’on se retrouve à 4 sans bourses, c’est juste discriminatoire.

    • Ma Ina La Rebelle je ne critique pas l’idée et tant mieux si vous pourrez en bénéficier, j ai juste des doutes sur leur pertinence dans la perspective du développement de l’ile telle que le projet est présenté…

  4. Obligation de revenir au pays… la question cessera de se poser quand une étude sociologique sera faite sur la compréhension des enjeux liés à la réussite professionnelle en rapport aux parents dont la culture de l’école est défaillante. Bon nombre de collègues reviennent « au pays » à la seule condition de se trouver loin de leurs villages et de leurs racines, revenir à Mayotte c’est devenir la pompe à fric des siens.

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