Les défis du Centre universitaire avant le grand virage vers l’autonomie

Les étudiants majors de promo de chaque filière étaient récompensés ce vendredi par la direction du CUFR, qui lui même a été évalué cette année par une inspection générale de l’administration. L’occasion de faire un point sur les ambitions de la structure censées être porteuse des futures compétences de l’île.

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Ambdoul-Hafydhou Attoumani, major de licence de math avec 14,75 de moyenne, recevait une tablette des mains de Stéphanie Simonet, représentant la préfecture

Il est encore tout jeune, le Centre Universitaire de Formation et de Recherche (CUFR) de Mayotte. Créé en 2011, il ne cesse de s’agrandir en nombre de filières et en compétences. Aurélien Siri, son directeur, et également maître de conférence, nous a reçu au lendemain de son conseil d’administration où il était question de l’évolution de la structure.

Grâce à la livraison de 5 classes modulaires, ce ne sont plus 1.300 étudiants qui seront accueillis comme l’année dernière, mais 1.500. « Cela nous a permis d’ouvrir des places sur Parcoursup, pour passer de 380 à 572 en direction des nouveaux entrants », se réjouit Aurélien Siri. Un « plus » pour les étudiants puisque, si le taux de réussite n’est que de 10% pour ceux qui partent en métropole, il était de 28% à Mayotte jusqu’en 2018, « année où les grèves ont perturbé la poursuite normale des études. Nous attendons le chiffre pour cette année. »

Outre la création du Diplôme universitaire (DU) de Santé communautaire, la grande nouvelle de la dernière rentrée 2018, c’était la mise en place de la 2ème année du master Métier de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation (MEEF), ce qui en fait un cursus complet. Les premiers professeurs des écoles formés sur place à Bac+5 vont donc être prochainement connus, dès qu’ils seront passés devant le jury, « c’est une centaine de professeurs des écoles amenés à être fonctionnaires titulaires qui vont pouvoir enseigner ». La moitié de l’effectif est composé de métropolitains qui ont passé le concours à Créteil, les autres sont des candidats originaires de Mayotte qui l’ont passé ici ou à La Réunion. « Ils seront enseignants à Mayotte le temps de commencer à cumuler des points qui leur permettront d’être éventuellement mutés ailleurs dans quelques années. »

Mais pour augmenter la capacité d’accueil et répondre « à la pression du nombre croissant de bacheliers chaque année », il va falloir pousser les murs. « Pour cela, nous devons élaborer le Schéma directeur 2025-2030, un document stratégique qui doit être terminé avant la fin de cette année. Il doit permettre de prendre en compte toutes les évolutions envisageables, notamment les nouvelles filières à mettre en place. Et en 2020, les premiers travaux de topographie devraient être menés. »

Pas encore assez mûr pour l’université de plein exercice

Aurélien Sriri se réjouit de la première promotion de professeurs des écoles formés à Mayotte à Bac+5

L’enveloppe inscrite au Contrat de projet Etat Région de 5,2 millions d’euros n’a pu être utilisée, faute de participation suffisante du conseil départemental, 200.000 euro, alors qu’elle aurait du être de la moitié du montant, « mais on sent une prise de conscience, ils ont décidé de nous céder le bâtiment actuel gratuitement, et de financer pour 200.000 euros de rénovation. » La somme inutilisée sera reportée sur le Contrat de convergence, dont la ligne allouée à l’extension du CUFR se monte désormais à 6, 6 millions d’euros, « cela va nous permettre de phaser les travaux sur un investissement total de 30 millions d’euros au total, soit à terme, 10.000 m2 supplémentaires ».

Le budget du CUFR se monte à deux gros millions d’euros, « un budget constant depuis plusieurs années ».

En matière de gouvernance, nous n’en sommes pas encore à l’université de plein exercice. En janvier 2019, le CUFR a reçu la visite d’une Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche, qui a émis plusieurs recommandations. Si l’offre de formation et la méthode mise en place pour orienter les élèves vers la réussite ont été validées, certaines procédures doivent être améliorées : « Par exemple, notre masse salariale est toujours gérée par le vice-rectorat », qui reçoit les fonds d’un autre ministère que le sien donc, puisque le CUFR dépend de l’Enseignement supérieur et non de l’Education nationale. « En résumé, pour basculer vers une université de plein exercice, nous devons acquérir plus d’autonomie financière ainsi que dans la gestion des ressources humaines. »

« Année zéro »

Le CUFR de Dembéni

Le passage de vice-rectorat à rectorat ne devrait pas avoir d’impact sur le CUFR. La collaboration entre les deux structures se fait aussi par le biais de la formation en maitres d’accueil temporaire, « et un diplôme interuniversitaire est mis en place à la prochaine rentrée pour enseigner le numérique et les sciences informatiques aux professeurs de sciences, conformément à la réforme de l’Education nationale ».

Une collaboration qui l’a amené à rencontrer le futur vice-recteur-bientôt-recteur, Gilles Halbout « il est venu au CUFR en janvier pour donner des cours de maths, dans le cadre du partenariat avec l’université de Montpellier. »

Pour la prochaine rentrée, on va revoir apparaître le DU « Valeurs de la République et religions », qui avait été mis en standby un an.

La grande innovation de cette année 2019-2020 sera l’ouverture d’une année de préparation aux études supérieures, « une sorte d’’année zéro’ pour tous les étudiants qui ne savent pas trop vers quoi s’orienter, et qui ont besoin de renforcer leurs compétences de base. Si il la valide, il sera inscrit dans la filière où ses compétences le porteront. Nous nous inscrivons dans la loi Orientation et Réussite des Etudiants de 2018. » Les 80 premiers étudiants de cette section seront répartis par petits groupes pour un meilleur accompagnement.

Des logements étudiants à Tsararano

Rencontre entre Ariane Mnouchkine et Jean-Louis Rose en juin 2018

Avec 15 enseignants de plus cette année, la masse salariale se compose d’une centaine de personnels administratifs, et désormais les filières Droit, Maths, AES, Lettres modernes, Géographie et Sciences de la Vie sont assurées jusqu’à la licence, avec une cinquantaine d’intervenants extérieur sur l’année pour compléter l’équipe enseignante. « Nous n’avons pu mettre en place de cours en visio n’ayant pas le ultra-haut débit ».

Autre grande avancée, le transport à la demande. « Actuellement, les transporteurs ramassent l’ensemble des étudiants à 17h30, ce qui comprime les journée de cours. Dorénavant, ceux qui veulent rester jusqu’à 19h vont pouvoir le faire, pour suivre des cours, ou étudier dans de meilleures conditions que chez eux. » Une solution proposée et mise en place par la préfecture, qui pourrait solliciter les taxi collectif.

Il n’y a pas de logements étudiants à Mayotte, mais là encore, Aurélien Siri s’est battu pour trouver une solution, « nous avons une possibilité à l’internat d’excellence de Tsararano, sous-occupé, pour nos étudiantes les plus sérieuses. »

Enfin, les activités culturelles sont un bel emblème pour le CUFR avec le travail considérable de son responsable, Jean-Louis Rose, « nous avons eu les Universîliennes, la conférence du député mathématicien Cédric Villani et cet été, le Théâtre du soleil et l’école nomade d’Ariane Mnouchkine », qui vient de démarrer. Et en novembre 2019 s’annonce un colloque sur l’économie informelle.

Dehors, de la musique se fait entendre, c’est l’heure de la remise des diplômes aux majors de promo de chaque filière. Chapeaux bas, eux qui portent haut leurs coiffes, avec des moyennes générales qui oscillent entre 13et 16,88 !

Anne Perzo-Lafond

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