Le Piton de la Fournaise de nouveau en éruption, vomit-il sa pollution ?

Pour la 3e fois cette année, le Piton de la Fournaise à La Réunion est entré en éruption. Hier, des gerbes de lave de 20m de haut offraient un magnifique spectacle aux curieux qui sont montés y assister. Mais la magie du lieu cache un danger plus insidieux.

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Au premier plan, le cratère Formica Leo, prisé des touristes. L'éruption s'est déclenchée sur les flancs derrière lui

Tout s’est joué en quelques heures à peine. A l’aube ce lundi, une succession de séismes et une déformation des flancs du volcan étaient enregistrés par l’observatoire du Piton de la Fournaise. Vers midi, heure de La Réunion, le volcan, un des plus actifs de la planète, entrait en éruption, éjectant depuis trois failles distinctes des gerbes de lave visibles depuis le Pas de Bellecombe, haut lieu touristique du département.

Tandis qu’à Mayotte, le Marion Dufresne sillonnait les milles marins entourant le nouveau volcan qui s’est formé depuis le début de la crise sismique en mai 2018, nous avons eu la chance de grimper en haut du Piton de la Fournaise, peu de temps donc avant que tous les sentiers de randonnée ne soient fermés pour cause d’éruption. En parcourant à pieds l’endroit même où les trois failles sont apparues ce lundi, un constat nous a traversé l’esprit : il vaudrait mieux que notre nouveau volcan mahorais reste… sous l’eau.

Visibilité variable au sommet…

Car si nos séismes passionnent les scientifiques (et nous autres journalistes avec) autant qu’ils épuisent la population, la  Réunion a quant à elle parfaitement réussi à valoriser son patrimoine géologique. Les sentiers sont bien balisés, du Gîte du Volcan aux bords du cratère Dolomieu qui s’est effondré en 2007, et donc nous n’aurons vu que quelques mètres carrés pour cause de temps calamiteux. Et cette valorisation touristique n’est pas qu’une bonne nouvelle.

Deux dangers nous ont sauté aux yeux au fil des quelque sept heures de marche qu’il nous a fallu pour parcourir l’enclos Fouquet, qui accueille la nouvelle éruption, et longer les pierres peintes en blanc qui mènent au sommet en toute sécurité.

Ne pas s’éloigner du sentier balisé

Le premier, c’est le danger que le volcan réserve aux promeneurs. Ce danger est, on l’a dit, bien balisé. Des panneaux indiquent les coulées « récentes », « instables », « brûlantes », en raison desquelles il ne faut pas « s’éloigner du sentier balisé ». Rouler sur une pierre et se tordre la cheville ou attraper un rhume en raison de l’hiver austral sont des risques suffisants pour ne pas se risquer à marcher sur une coulée qui pourrait s’affaisser sous notre poids.

Le Gîte du Volcan, un coin de paradis aux portes de l’enfer

Le second, c’est le danger que le promeneur fait courir au volcan, et qui nous fait souhaiter, dans l’intérêt même du dôme tant convoité, que le nouveau volcan de Mayotte reste immergé encore longtemps.

Car la magie qui s’empare du randonneur quand il s’éloigne du Gîte du Volcan en direction du Pas de Bellecombe au son des cloches de quelques vaches qui rappellent les randonnées alpines, magie qui trouve son apogée à la vue du cratère Formica Leo qui trône au milieu de l’enclos, laisse vite place à un goût amer. Un goût de clope froide.

Il n’y a pas que des plantes qui trouvent leur place entre les rochers

Car si l’œil novice ne réalise pas de prime abord que les milliers de touristes qui grimpent au sommet du Formica Leo participent à son érosion rapide, un regard peu acéré suffit à repérer les multiples mégots abandonnés par des randonneurs peu scrupuleux. Pensent-ils que le volcan finira par engloutir ces déchets ou comptent-ils sur les pluies pour les ramener vers la mer ?
Et quid des innombrables épluchures de mandarines qui teintent de orange les roches volcaniques, bien plus belles quand elles ont naturellement cette couleur ocre ?

La vie trouve son chemin dans ce milieu aussi magique que hostile

Cette pollution omniprésente sur le flanc du volcan ultra-visité est une menace pour cet environnement fragile, dans lequel un écosystème précaire se fraye un chemin en milieu hostile. Cà et là, malgré le vent parfois glacial, des plantes d’altitude trouvent en effet de quoi pousser entre deux roches. Mais cette pollution fait aussi courir un danger aux randonneurs eux-même !

En effet, si les marquages au sol et les panneaux sont une ligne de vie indispensable pour ne pas s’éloigner des passagers les moins dangereux, des pièges improbables viennent semer la confusion.

Dans la brume, seuls les petits carrés blancs de peinture qui longent le sentier permettent de savoir où l’on va. Mais d’autres carrés blancs bordent ce dernier, et peuvent mener… vers des zones plus instables. Il s’agit tenez-vous bien, des dizaines de feuilles de papier toilette laissées en évidence par des promeneurs encore moins scrupuleux que les fumeurs sus-mentionnés.

Laissées au gré des besoins au bord du chemin, parfois à plusieurs mètres de celui-ci, ces feuilles de papier, dans la brume, collées aux roches par la bruine se transforment en piège nauséabond qui éloignent le randonneur distrait, de sa ligne de vie toute tracée. Seule une pensée bienveillante ira à celui qui a laissé, au beau milieu du vrai sentier, une selle non moulée de la même couleur que les roches les plus oranges du volcan. Quoiqu’ayant laissé un souvenir fort déplaisant à ceux qui ont dû l’enjamber, il est vraisemblablement le seul dont l’état de santé semble constituer une excuse.

A quelque 1500km de son grand-frère, on comprend mieux dès lors la timidité du volcan de Mayotte à sortir la tête de l’eau, malgré tous les regards pointés sur lui.

Y.D.

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