Comment l’arrestation d’Azad Ibrahim a failli virer au drame

L'interpellation musclée d'Azad Ibrahim a failli virer au drame en avril dernier. Le jeune homme appelait à tuer les policiers, qui ont fait usage de leurs armes en défense. "C'est un miracle qu'il n'y ait pas de mort" témoigne un des agents présents.

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Au tribunal de Mamoudzou

La libération d’Azad Ibrahim en avril dernier avait fait grand bruit. Au vu des conditions de son interpellation, on comprend aisément pourquoi. Les policiers de la BAC, un équipage de trois fonctionnaires, venaient ce 20 avril de reconnaître à Doujani un individu recherché et qualifié de dangereux. S’arrêtant pour l’interpeller, les policiers étaient pris à partie par un autre individu lui aussi recherché : Azad Ibrahim. Une altercation si violente que le premier larron était parvenu à prendre la fuite. Les policiers ont par contre réussi à maîtriser Azad qui se débattait farouchement. Craignant d’être emmené, le jeune homme en appelait aux habitants du quartier qu’il prétendait diriger. « Ils ne sont que trois, tuez-les » aurait-il crié, selon la retranscription des policiers. Une pluie de pierres s’abat alors sur les fonctionnaires. « Quand j’étais à Paris, je me suis fait tirer 6 fois dessus, mais je n’ai jamais eu aussi peur », témoigne un des policiers présents. « On avait 20 à 25 mecs devant nous, déchaînés, on aurait été dans notre droit de la légitime défense, s’il n’y a pas de mort, c’est parce que la police française c’est pas les Etats-Unis ». Le policier, pour protéger ses collègues occupés à faire entrer Azad dans la voiture, se retrouve contraint de faire usage de son LBD40, une arme non létale. Arrivé à court de munitions, le cercle des assaillants se resserre, certains sont armés de bâtons et parviennent à frapper les policiers. Le fonctionnaire posté en défense sort son 9mm, une arme létale, et tire en l’air. Le groupe s’éloigne, puis se regroupe et les jets de pierre reprennent. Parmi les attaquants, Ambdi Tadjiri, dit Ambdi Le Boss. Trois autres coups de feu sont tirés, en l’air, et vers le sol. Un autre policier finit par lancer une grenade de désencerclement, et la voiture parvient à s’extraire de cette scène « de guerre ». « C’est un miracle vu le nombre de projectiles lancés que personne n’ait été touché à la tête » souffle un fonctionnaire à la barre.

Blessés, les policiers obtiendront jusqu’à 60 jours d’arrêt. En juillet, Ambdi est à son tour arrêté. De tout le groupe, les deux compères, désignés tour à tour comme chefs de la bande de Doujani, aussi appelée « bande des coupeurs de route », « bande à Azad » ou encore « brigade anti-BAC » sont les seuls à comparaître. « Ce sont des chefs de bande, ils sont dangereux » estime Me Mattoir, avocate de deux des policiers pour qui les deux chefs présumés « ont voulu montrer au système judiciaire que c’est eux qui décident ».

L’avocat du policier sus-mentionné, Eric Hesler, n’est pas moins dur en mots. Cette affaire pour lui « démontre aussi le sang froid de policiers qui étaient légitimes à tirer mais qui ont tout fait pour l’éviter. Cette brigade anti-bac, on touche le fond avec ça, on n’accepte pas l’ordre public et l’institution de la République. Quand on s’attaque à la police, on s’attaque à la République. Le jour où on s’attaque à la police, c’est qu’on n’a plus peur de rien. »

Le procureur Tanguy Courroye

Le procureur Courroye de son côté rappelle « l’actualité importante de ce dossier qui a déjà 6 mois mais s’inscrit dans l’actualité importante du secteur Mtsapéré-Doujani qui fait l’objet de violences urbaines continues ». Pour lui cette intervention rappelle « ces scènes ahurissantes où les policiers qui entraient dans une ruelle de Doujani se sont vu encercler par des jeunes du quartier, avec des harpons ». Déjà là, Ambdi Le Boss était là. « Tous les weekend ce sont des traquenards dressés contre les forces de l’ordre qui créent un climat de violences urbaines insupportables » poursuit le substitut. Il réclame contre Azad 2 ans de prison ferme, plus 6 mois pour usage de faux papiers. En effet le chef présumé de la bande avait utilisé un faux passeport au nom de Daniel Abdallah pour tenter de rejoindre la Légion étrangère et se faire oublier. Après son arrestation, il a commis l’erreur de retourner au commissariat pour récupérer le document. Contre Ambdi, le parquet réclamait 18 mois ferme, avec mandat de dépôt.
Les juges auront sans doute tenu compte de la personnalité des deux caïds, et de leurs contradictions à la barre. Ils sont allés au-delà des réquisitions en prononçant 33 mois au total contre Azad et 24 mois contre son comparse. Tous deux sont partis en détention en attendant un éventuel appel de leur part. La justice les attend aussi pour d’autres affaires criminelles qui devraient être jugées aux assises dans quelques mois.

Des menaces de représailles ont par ailleurs été entendues en fin d’audience de la part de proches des condamnés.

Y.D.

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