Influenceurs : quand des articles sur Mayotte font grincer des dents

Le blog de voyage Onedayonetravel fait polémique après un texte (supprimé depuis) qui indiquait que "les migrants n'ont aucune différence de faciès avec les Mahorais, il est quasi impossible de les discerner". Après celui du Point, le comité du tourisme déplore des articles contre productifs mais veut en tirer des leçons pour l'avenir.

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Les deux blogueurs de OneDayOneTravel ont modifié leur article après des commentaires outrés (source : capture d'écran YouTube)

« J’attendais votre guide sur Mayotte, je ne m’attendais pas à y trouver le guide « comment distinguer un noir d’un noir » tweete Jane Jaquin en relayant des captures d’écran du site dédié au voyage. Les propos tenus par le guide touristique OneDayOneTravel sur les migrants que le « faciès » rendrait difficile à « discerner » des Mahorais paraît au mieux maladroit. C’est d’ailleurs ce que défend le site qui répond « notre volonté était uniquement d’aborder une réalité beaucoup abordée avec les locaux. La phrase citée pouvait être mal interprétée effectivement et nous l’avons supprimée. Nos voyages nous ont bien appris 1 chose, c’est la tolérance et l’ouverture d’esprit. »

« Comment avez vous su avec certitude que vous échangiez avec des locaux et non des migrants Comoriens criminels déguisés en locaux ? (Oui la dérision c’est aussi ma force) » réplique avec ironie Jane Jaquin.

Le commentaire choquant publié par le site a depuis en effet été supprimé. Mais ce n’est pas tout.

Le site mettait aussi dans un premier temps en cause le travail de l’Insee, allant jusqu’à inventer une population de 600 000 habitants à Mayotte (pour rappel avec 256 000 habitants pour 374km², l’île est déjà un des départements les plus densément peuplés de France). De quoi paraître plus sensationnaliste que sérieux.

Il était aussi écrit qu’à Mayotte « la majorité des habitants vivent dans des maisons en taule » (au lieu de tôle, ladite faute d’orthographe ayant été corrigée depuis) « voire dans des bidonvilles comme à Mamoudzou ». Cette dernière partie qui stigmatise le chef-lieu du département et minimise l’existence des logements précaires dans le reste de l’île n’est pas non plus passée inaperçue.

L’article souffle le chaud et le froid

Tout aussi douteux, quand le site s’interroge sur le fait que Mayotte soit ou non « une destination à risque », il y est encore écrit que « oui pour vos affaires notamment à cause des migrants clandestins » tout en précisant que certains  » se mêlent et s’intègrent facilement à la population »

« Mais ne soyons pas paranoïaques non plus, modère l’auteur des lignes. Nous ne nous sommes jamais retrouvés face à une situation à risques en 8 jours mais il faut juste être conscient que la délinquance et les vols à l’arraché des sacs sont monnaie courante sur l’île. »

Le site est en revanche plutôt juste dans sa description d’une « situation clairement difficile » pour les habitants, qui tranche avec l’article idéalisé du Point. Il pointe notamment « la gestion des déchets (…) des infrastructures et des services » et déplore le « contraste saisissant lorsqu’on voit les trésors que les Mahorais ont entre leurs mains »
Mettons tout de même au crédit des deux blogueurs derrière ces textes (modifiés ce week-end) la volonté d’attirer des touristes à Mayotte, et les belles images qu’ils publient notamment sur Youtube de leur séjour d’une semaine ici. Ainsi que le constat d’un « accueil incroyable » qu’ils ont reçu par les habitants et la large place accordée à la richesse culturelle de l’île.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires n’en dénoncent pas moins  un certain « néocolonialisme » et les  » blogueurs monnayables ».

Des influenceurs invités tous frais payés

Pour mieux comprendre comment ces communications sont faites, nous avons joint Michel Madi, directeur du comité départemental du tourisme de Mayotte. Il explique une stratégie qui date de plusieurs années, même si de telles polémiques sont inédites. »On n’est pas dans le cadre de publireportages », précise d’emblée le responsable en réponse à notre article paru dimanche. « On appelle ça des accueils presse, comme le feraient des tour operator par exemple. C’est de la promotion. »
Sur le principe, des rédacteurs, journalistes ou blogueurs sont invités à Mayotte tous frais payés.

Michel Ahamed Madi

« Air Austral prend en charge les billets et des partenaires d’hébergement nous font 50% et les loueurs de voiture nous font aussi des tarifs. Ce ne sont pas des opérations qui nous coûtent cher » explique Michel Madi. L’inconvénient, c’est que « l’on n’a pas la main sur ce qu’ils vont écrire. Quand ils sortent leurs articles ils ne nous demandent pas notre avis. C’est la solution la moins coûteuse mais aussi celle où on a le moins la main sur le contenu. »

Au risque de se retrouver avec des énormités comme un Mayotte sans bouchons ni grèves avec 600 000 habitants, ou des commentaires sur le faciès des migrants. Dans les deux cas, « on a adressé des mails aux deux (Le Point et OneDayOneTrvael) pour souligner des choses qui nous semblaient ne pas correspondre à la réalité car on est quand même partenaires » indique le directeur du CDTM qui souhaite désormais tirer profit des articles pour « mieux sélectionner » lesdits partenaires à l’avenir.

Y.D.

12 Commentaires

  1. Il est fini le temps de ces « influenceurs » bidons, ces faux touristes qui voyagent à nos frais pour pondre des articles bourrés d’erreurs ou de jugements à l’emporte-pièce, c’est de la tromperie à l’état pur et les vrais voyageurs rigolent en voyant ces usurpateurs déguisés en routards…

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