Covid-19 et outre-mer : un petit vent d’optimisme confirmé par la ministre des outre-mer

Le conseil scientifique s’est penché sur la situation des outre-mer. Une carte globale qui fait notamment un focus sur Mayotte, et qui montre les effets positifs d’un confinement anticipé sur la métropole. Sur l’ensemble des outre-mer, c’est l’accalmie généralisée. Tout le monde retient son souffle… et pas seulement pour ne pas contaminer son voisin. De son côté, la Délégation aux outre-mer propose d’établir un tableau de bord des besoins en matériel de protection par territoire.

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Annick Girardin présentait l'avis du conseil scientifique, déjà décalé au regard de la situation actuelle

Ce vendredi a été rendu public le rapport du Conseil scientifique Covid-19 sur les Outre-mer, censé selon les mots de la ministre des Outre-mer, éclairer les décisions et les politiques à y mener. Il est de ce point de vue un peu décevant, puisqu’il appelle à renforcer des décisions déjà prises, notamment ici à Mayotte (traduction des consignes en langues locales, préparation du ramadan, ouverture d’un centre d’hébergement « extrahospitalière » à Mayotte, gratuité de l’eau, aide alimentaire pour les plus précaires, etc.). Mais son intérêt réside dans la vision globale qu’il donne de la situation des outre-mer.

Point le plus important, si la trame du rapport reste alarmiste, « il est impossible aujourd’hui de dire quand les pics épidémiques seront atteints », un vent d’espoir y souffle, « il est possible d’affirmer que les mesures prises à ce jour (le confinement anticipé) auront, et ont déjà un impact ». Ce que traduit la ministre des outre-mer Annick Girardin, qui dressait une synthèse de ce rapport en soirée de vendredi, « on a quelques raisons d’être positifs », optimistes, a-t-elle sans doute voulu dire.

Que dit ce rapport. Il évoque le décalage dans le temps du virus Covid-19 qui a frappé les territoires d’outre-mer plusieurs semaines après la métropole. Et pour cause, les cas y ont été apportés par les transports aériens, avant que ces derniers soient encadrés, interdits même à Mayotte. Résultat : le confinement décidé simultanément avec Paris, semble avoir aussi « confiné » le virus à quelques cas. Du coup, « les capacités de réanimation sont loin d’être saturées », indiquent les scientifiques.

Les outre-mer servis sur un plateau

« Les capacités de réanimation sont loin d’être saturées »

Mais dans l’incapacité de se prononcer actuellement sur l’évolution de la maladie en outre-mer, les membres du conseil scientifiques dressent le tableau que l’on connaît : cinq territoires en stade 2, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle Calédonie, Polynésie, et quatre en stade 3, Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Martinique.

Le confinement décidé « précocement », c’est à dire avant l’embrasement comme l’a connu l’Hexagone, a permis selon le conseil scientifique « l’étalement de la vague épidémique ». Pour que les différentes populations ultramarines se les approprient, les préfets sont invités à « encourager les bonnes initiatives locales », et notamment, aménager les marchés ouverts, « sans nécessairement que ceux-ci soient fermés, lorsqu’ils sont la source principale d’approvisionnement ». Le respect des mesures de confinement en période de ramadan dès le 23 avril, est à anticiper. Le préfet de Mayotte a déjà mis en place une commission à ce sujet.

Lors de la rédaction du rapport, le « plateau » que l’on connaît actuellement en outre mer de stabilité des cas, voire d’absence de nouveaux cas notamment en Guadeloupe, n’était pas d’actualité. Le conseil scientifique mettait ainsi en garde sur une « épidémie qui va s’aggraver dans les semaines qui viennent », toujours en se basant sur le décalage de 3 à 4 semaines sur la métropole.

Seul outre-mer à avoir un chapitre dédié, Mayotte, où la situation est considérée comme « préoccupante », en raison « du risque important d’explosion épidémique et de paralysie du système de santé ». Avec un « dépistage systématique chez les voyageurs », et pour les sorties de « quatorzaines, pour tous les outre-mer confirmé par la ministre des outre-mer dans son intervention.

Le nombre de nouveaux cas sur les doigts d’une main

Placer masque et matériels de protection au soleil

En conclusion, 10 recommandations des scientifiques, dont le renforcement des lits de réanimation, dont « le passage de 16 à 50 à Mayotte », rappelait Annick Girardin, tenable qu’avec arrivée de nouveaux personnels de la réserve sanitaire, « Tester, tester, tester », paraphrasant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), avec une unité fonctionnelle, Disponibilité des masques, protections et solutions hydroalcoolique, Renforcement des équipes d’épidémiologistes, Application des traitements antiviraux qui auront fait leur preuve.

Des préconisations à maintenir donc, et dans un contexte d’embellie dans les outre-mer. « L’anomalie statistique » du premier infléchissement à Mayotte, énoncée par Dominique Voynet pour commenter la première chute étonnante du nombre de cas jeudi dernier, semble devenir la norme dans les outre-mer. En tout cas, « la situation à Mayotte ne correspond plus à l’avis du conseil scientifique », indiquait ce lundi la directrice de l’ARS, qui déplorait un manque de coordination avec l’instance parisienne lors de la rédaction du rapport.

L’accalmie concerne l’ensemble des départements d’outre-mer plus encore que Mayotte : absence de nouveaux cas sur deux jours en Guadeloupe, un nouveau cas ce dimanche en Martinique et à La Réunion, 2 en Guyane et 7 à Mayotte, « où le confinement n’est pas totalement respecté », déplore Dominique Voynet. Si cela se confirmait, il faudrait inviter les scientifiques à se pencher sur le contexte des outre-mer. L’ARS de Mayotte recommande d’ailleurs dans un de ses bulletins, de laisser les masques en tissu en soleil après utilisation, « le virus ne survit pas aux fortes chaleurs. » Mais Dominique Voynet n’élude aucune piste, notamment celle d’une « éventuelle immunité génétique des habitants des pays africains », ou une résistance de populations traitées de longue date contre le paludisme, donc avec de la nivaquine, « j’ai interpellé des scientifiques de Montpellier à ce sujet. »

Autre éventualité à ne pas négliger, la probabilité à Mayotte que des habitants malades du Covid ne se signalent pas par peur d’être marginalisés.

Soutenir la production de masques dans les DOM

Contrôler les approvisionnements de masques, accessoires devenus indispensable

Un autre appel incite à par ailleurs à profiter de la taille et de l’isolement des territoires d’outremer, pour tester des mesures : les députés de la Délégation aux outre-mer font des propositions innovantes dans un courrier notamment adressé au président de la République et au premier ministre, qui devraient améliorer considérablement la prise en charge, et dans les deux éventualité : l’aggravation de la situation ou son amélioration, notamment lors du déconfinement. Ils demandent que soit mis en place « un tableau de bord synthétisant, par territoire, les besoins et les quantités de matériels de protection commandés ainsi que les dates prévisionnelles de réception. » De plus, ils proposent que lors du déconfinement, les territoires ultra-marins, fassent office de « territoires pilotes, notamment en matière de dépistage généralisé de la population ».

Sur le plan économique, ils demandent que l’on se penche sur les petites sociétés qui font le tissu économique de nos outre-mer, avec une « exonération des charges sociales et fiscales inconditionnelle pour les entreprises ultra-marines de moins de cinq salariés et pour la totalité de l’année 2020 », que l’aide complémentaire de 2.000 euros des collectivités ne soit pas conditionnée au fait d’avoir au minimum 1 salarié « en raison de la proportion importante d’entreprises unipersonnelles dans les outre-mer. »
Enfin, ils proposent que soient pérennisées toutes les initiatives prises par le tissu économique ultramarin pour fabriquer localement des produits sanitaires indispensables (gel hydroalcoolique, masques, etc.), « en leurs mettant à disposition, dès maintenant, les matières premières (tissu, fil, élastique, …) ainsi que le matériel nécessaire tels que machines à coudre. »

Anne Perzo-Lafond

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