Après cette annonce et avant les 169 cas du week-end de 3 jours, la directrice de l’ARS expliquait en conférence de presse que l’hôpital se prépare à vivre ce que la métropole a traversé il y a plus d’un mois : une marée d’hospitalisation avec un risque de saturation des services. « Nous allégeons les services non Covid en augmentant les capacités de réanimation et le nombre de lits en médecine. Pour cela, nous avons évasané la semaine dernière 7 patients non Covid à La Réunion, et éventuellement les patients Covid si l’épidémie submerge nos capacités. » Un patient souffrant d’une autre pathologie a été testé deux fois négatif à Mayotte, et après son évasan, positif à La Réunion.
La ministre des outre-mer Annick Girardin a annoncé des moyens supplémentaires pour Mayotte, avec notamment un hôpital de campagne et un renfort de 100 personnels de santé, rapporte le site ouest-france.fr.
Un hôpital de campagne qui se mue pour l’instant en hôpital de ville, avec l’implantation d’un premier module de réanimation mi-mai au sein du CHM par le service de santé des armées, qui avait servi dans le Haut-Rhin, « un autre sera mis en place fin mai. Nous attendons l’expertise d’une équipe de Mulhouse venue en repérage », expliquait Dominique Voynet.
Le décalage avec la métropole et donc le Plan national de déconfinement, incite l’ancienne ministre à demander à Paris une « adaptation de la stratégie nationale à Mayotte ». Les trois axes Diagnostiquer, Protéger, Isoler, sont donc déclinés en tenant compte de fortes particularités.
Les appros ne suivent pas malgré le renfort de l’armée
Le diagnostic est monté en puissance, assure Dominique Voynet, « avec 300 tests par jour pour le CHM et 124 pour le laboratoire privé ». Mais les chiffres prouvent qu’on n’en est pas encore là. Le diagramme de l’ARS du 10 mai (ci-contre) indique un plus haut de 842 cas cette dernière semaine, c’est à dire 120 tests par jour. Et la semaine du 13 avril, seulement 58 par jour. Mais le dépistage est monté en flèche, quasiment du simple au double par rapport à mi-avril. Et, tout en restant prudent, on remarque sur le nombre de cas positifs augmente moins que proportionnellement (17%) que le nombre de test (20%). Le pic est toujours prévu aux alentours du 20 mai.
La directrice de l’ARS incrimine la rupture de stocks malgré les navettes des navires militaires et du pont aérien, « nous sommes sous tension en disponibilité de consommable, en écouvillons, en tubes et en réactifs ». En métropole, la même pénurie en tubes à Nice a trouvée une solution avec la production d’éprouvette à l’aide d’une imprimante 3D, rapportait La Provence. Pour tenir le rythme, des équipes mobiles de prélèvements ont été mises en place, « notamment dans les Centre médicaux de référence ». La directrice de la Santé en profitait pour glisser qu’il n’y avait eu aucun cas positif au Centre de Rétention Administratif (CRA), qui a mué en centre de quatorzaine pour les étrangers interpellés par la PAF, pas plus qu’à la prison.
La Protection des populations pose également de gros problèmes, qui impacte négativement le confinement : « Une partie des habitants n’est pas touchée par les messages francophone, et chez certains, il n’y a pas de prise de conscience. Ils négligent les gestes barrière. Un homme qui avait appris qu’il était porteur du virus, est allé malgré tout travailler sans protection. Un autre, fonctionnaire d’Etat, a continué à vivre normalement, a infecté une personne âgée de son entourage, provoquant son décès, et personne ne portait de protection à l’enterrement ! Nous n’arrivons pas à couper les chaines de transmission, malgré les clips que nous diffusons à la télé. » Dominique Voynet ne se considère pas « la plus crédible pour faire passer les messages » et en appelle « aux cadis, aux maires ou aux intellectuels mahorais » pour cela. C’est pourquoi nous avions diffusé les traductions en shimaore avec écriture arabe.
Quant au 3ème axe du plan, Isoler, « c’est de la compétence du préfet ».
Mansour Kamardine plaide pour le déconfinement
Ce n’est pas seulement un problème de transmission mais aussi d’appropriation pour Dominique Voynet : « Les conditions de vie jouent, mais les cas que j’ai évoqués ne sont pas issus de quartiers de bangas. Le problème central reste la compréhension et l’appropriation du message. Il nous manque un outil de santé communautaire. Dans les communautés amérindiennes de Guyane, le message circule, ici, ce réseau n’existe pas. »
Nous sommes donc déconfinés en confinement, et le député Mansour Kamardine appelle à en prendre acte. Il met en avant l’effet néfaste du confinement peu vivable à Mayotte à long terme, et propose un retour à « une vie sociale et économique normale », en fournissant « des masques gratuits pour tous, des tests, du confinement ciblé, des médicaments et des lits d’hôpitaux ».
Il n’y a plus vraiment de cluster, explique la directrice de l’ARS, « si le Grand Mamoudzou est plus fortement impacté, notamment en raison de sa densité, le virus circule partout. Parmi les cas, on trouve beaucoup de patients atteints de maladies chroniques. » Répétons que ces personnes doivent continuer à consulter malgré le contexte sous peine de voir leur situation s’aggraver. Les chiffres hebdomadaires de décès livrés par l’INSEE montrent à Mayotte une surmortalité de 30% depuis le 1er mars, « nous décomposons semaine par semaine avec l’INSEE pour en comprendre la cause car le nombre de décès que nous avons relié au Covid n’est pas élevé. »
A partir du 11 mai, chaque département devra disposer d’une Brigade sanitaire, chargée d’enquêter sur l’entourage des malades contaminés. A Mayotte des équipes mobiles de 25 agents de l’ARS assurant le « contact tracing » (le traçage des contacts), ont été déployées dès le début de l’épidémie, mais les enjeux incitent à polariser les forces sur l’urgence, « nous allons renforcer leur capacité d’intervention avec des agents de la CSSM. Mais étant donné le contexte, nous privilégions le test au contact tracing ».
La montée en puissance de l’épidémie n’incite pas la directrice de l’ARS à parler de déconfinement pour l’instant, mais recommande le port du masque. Son avis évolue donc sur un air métropolitain d’une valse à deux temps. Alors qu’au départ de l’épidémie, elle le jugeait inefficace pour les non malades, elle le préconise désormais, « si tout le monde en porte, il n’y aura plus de question ».
Anne Perzo-Lafond
L ‘ ARS doit continuer son travail avec courage.
Bonne continuation..