« Non, les communes ultramarines ne sont ni riches, ni plus mal gérées qu’ailleurs », dénonce un rapport renversant

A qui profite le crime ? C’est en substance l’interrogation portée par une experte en finances locales qui déconstruit les représentations toutes faites sur la mauvaise gestion des communes ultramarines.

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Georges Patient, Mireille Pierre-Louis, OUtre-mer, Mayotte
Les communes ultramarines beaucoup plus peuplées que leurs homologues hexagonales avec des population plus pauvres

En dépit d’un gros différentiel de développement des outre-mer, ne serait-ce qu’entre les deux départements français de l’océan Indien, Mayotte et La Réunion, la tendance est à l’union pour la force. Et ils ont des arguments, selon une analyse publiée il y a deux mois. (Lire Schéma & impasse budgétaire DOM)

Non, les outre-mer ne sont pas plus mauvais gestionnaires que le reste du pays, non, ils ne sont pas plus dotés, oui les sureffectifs existent bien dans nos collectivités, mais ils sont tout aussi plombant ailleurs… Une étude décoiffante de Mireille Pierre-Louis, experte en finances locales Outre-Mer et collaboratrice du sénateur LReM Georges Patient, a été publiée en juillet pour défaire les idées préconçues sur les territoires ultramarins. Ce faisant, elle diffuse à un plus grand public les conclusions du rapport des sénateurs Cazenave-Patient (2019).

Pour illustrer son propos, Mireille Pierre-Louis prend l’exemple des dépenses le plus souvent supérieures aux recettes dans les communes ultramarines, un constat assimilable « à de la mauvaise gestion ». Or, il se base sur des critères propres à la métropole : « On ne prend pas en compte les frais liés à l’insularité, à l’isolement, à l’éloignement, à la vulnérabilité géographique comme les cyclones, aux crises sociales à répétition liées au fort taux de chômage, aux PIB de 30 à 50% plus faibles, aux enjeux de rattrapage en infrastructures comme les rénovations liées aux bidonvilles, aux caractéristiques démographiques hors normes ». Autant de surcoût que n’ont pas à supporter les communes Hexagonales. En gros, c’est un peu comme si on disait que les grosses communes sont moins bien gérées parce qu’elles ont des dépenses plus importantes que les petites communes, résume-t-elle. Surtout que l’assiette des recettes est amaigrie notamment à Mayotte, par un maigre volume de foyers imposables, et dont les non assujettis sont sous-compensés.

Des économies à bon compte

De gros problèmes d’insalubrité à traiter

Autre constat d’une vision biaisée, les accusations de sureffectifs en comparaison à la moyenne nationale, « alors que les communes d’outre-mer sont prés de 10 fois plus peuplées (17.000 habitants) que leurs homologues hexagonales (1.800 hab). Ce parti pris provoque une hypertrophie de leurs dépenses, synonyme de « mauvaise gestion » (…) privant ces dernières de toute solution pour sortir d’une impasse budgétaire, en dehors des « sur-contrôles » aujourd’hui envisagés ». Une situation entretenue qui permet, accuse-t-elle, « de préserver le budget de l’Etat ».

Impossible en effet d’engager de dépenses avec une épargne brute nulle. Notons au passage que les communes mahoraises étaient peu endettées lorsque des décisions nationales de baisses des dotations ont été prises il y a 5 ans. Celles qui ont su contenir leur personnel parviennent donc à dégager de l’épargne (14 sur 17 selon l’AFD) et sont invitées à s’endetter pour investir. Avec modération donc, au regard de ce constat général.

En matière de frais de personnel, on apprend que dans les DOM, ils s’établissent non pas à 900 euros par habitant contre 700 euros de moyenne nationale, comme l’indique le rapport de l’Observatoire des finances, mais qu’ils ne sont en réalité que de 720 euros, lorsqu’on retire la prime de vie chère.

Des contrats de moins en moins aidés

Dépenses de personnel équivalentes à celles des sœurs métropolitaines, après retrait de la prime vie chère

En terme de sureffectifs, le rapport des sénateurs Cazeneuve/Patient de 2019, qui n’est pas suffisamment sortie de la sphère parisienne selon l’auteure de l’analyse, calcule que le phénomène concerne tant les collectivités locales de Corse que les services de l’Etat dans les DOM : » Rapportée au nombre d’habitants, la proportion de fonctionnaires civils de l’État est, en outre-mer, supérieure à celle de la métropole (3,4 % contre 2,6 %), en particulier en Guadeloupe (4,4 %) »

En outre, le rapport Cazeneuve/Patient a pointé le rôle de l’Etat dans les charges de personnel des communes ultramarines, en ayant incité fortement celles-ci à recruter massivement des agents de catégorie C, « avec des contrats qu’il subventionnait à plus de 80% ». Un constat qui n’est pas sans rappeler le programme d’incitation au recrutement de contrats aidés, puis de moins en moins aidés, mais que les communes mahoraises avaient été obligées de recruter pour mettre en place les rythmes scolaires. Engendrant ensuite des charges supplémentaires et une rigidité du budget communal.

Autre injustice, si on appliquait aux DOM le droit commun, ils gagneraient 165 millions d’euros de plus chaque année au titre de la DACOM (Dotation d’aménagement des communes et des circonscriptions territoriales d’outre-mer), « autrement dit la DACOM serait doublée » ! Un bémol à cette charge, souligne l’étude, Mayotte et la Guyane s’en sortent mieux en matière de compensation, avec une « rétrocession de l’octroi de mer compensée par l’Etat (…) et un plan de rattrapage », le plan de convergence de 1,6 miliard d’euros pour Mayotte.

Des exemples comme celui-ci, le rapport en regorge au long de 15 mini-chapitres qui se lisent facilement. Et dont la démonstration n’a qu’un but : dénoncer la méthode utilisée pour pallier les défaillances et contradictions des politiques publiques, « au moment où le gouvernement s’apprête à adopter des dispositions législatives sans précédent pour encadrer la gestion locale. »

Anne Perzo-Lafond

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