« Ca se reproduira pas, j’ai fait un traitement traditionnel, je suis désenvouté ». La défense de ce prévenu n’est pas fréquente à la barre du tribunal de Mamoudzou. L’homme, poursuivi pour de multiples faits de violences conjugales, n’a eu de cesse de se réfugier derrière un envoûtement, un mauvais sort ou les djinns pour se départir de sa propre responsabilité.
« Il y avait un souci, on nous avait jeté un sort qui faisait qu’on se disputait, on nous a traité, on s’est arrangé, il est pardonné » corrobore la compagne victime, visiblement convaincue par l’argument. Selon elle, c’est sa propre famille qui les aurait ensorcelés pour désavouer leur union.
Une situation « arrangée » qui ne l’est pas vraiment, souligne la substitut du procureur, puisque s’il n’y a pas eu de nouvelles violences depuis la plainte de madame, c’est surtout parce que l’homme a interdiction d’entrer en contact avec elle dans le cadre de son contrôle judiciaire.
Pour le parquet, sans attenter aux « croyances » que la procureure « respecte », l’argument vise surtout à masquer une intolérance à la frustration, et une tendance à la violence. Elle dénonce des « faits de violence conjugale particulièrement sordides et d’une gravité certaine ». L’homme n’a-t-il pas durant des années accusé sa femme de le tromper, ne l’a-t-il pas frappée, étranglée, menacée de la « trouer » avec un pic alors qu’elle était enceinte de 4 mois et voulait juste se rendre chez la sage-femme ? N’a-t-il pas à cette occasion déchiré son carnet de santé ? Les enfants, témoins de ces violences n’en ont-ils pas, eux aussi, fait les frais ? A toutes ces questions, l’homme acquiesce, reconnaît, concède.
« Le juge des enfants devra être saisi »
Il allait jusqu’à menacer de « jeter » les enfants si madame ne lui obéissait pas, notamment sur ses exigences de nature sexuelle. Une menace qui a créé la panique quand un beau jour il s’est emparé des petits et les a conduits chez un membre de sa belle famille qui ne voulait pas s’en occuper, et qui les a abandonnés sur le marché de Koungou. C’est l’aîné de 6 ans qui a eu la clairvoyance de retrouver une tante vivant non loin de là, et qui a permis une issue heureuse à ce énième coup de sang de son papa.
« Le juge des enfants devra être saisi, ils sont en danger » estime le parquet.
Pour le président d’audience, pas de doute. « Monsieur commet des faits, non pas parce qu’il est ensorcelé mais parce qu’il a un problème de gestion de la colère et qu’il est violent ».
L’homme aurait pu bénéficier d’un avocat, mais en apprenant qu’il devait faire les démarches pour en trouver un, il a préféré être jugé sans.
Le conjoint a finalement été condamné à suivre une psychothérapie, ainsi qu’un stage de sensibilisation aux violences conjugales, a interdiction de porter une arme et devra verser 2000€ à sa compagne. La moindre entorse à ces obligations pendant les deux prochaines années lui vaudra 18 mois de détention.
Y.D.