Il impose un « gurua » à une fillette : 8 ans ferme

Poursuivi pour viol et finalement jugé pour agression sexuelle, un trentenaire écope presque de la peine maximale. On lui reprochait un "gurua", cette pratique sexuelle sans pénétration censée préserver la virginité... et trop souvent imposée à des mineures.

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Conciliateur de justice, Mayotte
Le tribunal judiciaire

« Lâche moi je ne veux pas ». Dans son sommeil la fillette se met à crier, revivant la scène subie à au moins deux reprises aux cours des derniers mois. On est en 2017. Sa tante qui l’entend s’agiter nuitamment s’inquiète, prévient les gendarmes, et une procédure pour viol est engagée envers un trentenaire. Un juge d’instruction est saisi et l’homme part en détention provisoire pendant trois ans.

L’âge de la jeune fille est lui sujet à débat. A la barre du tribunal où l’audience se déroulait à huis-clos, elle affirme avoir 15 ans, disant être née en 2005. Mais son acte d’état civil la décrit plus jeune. La justice a retenu qu’elle devait avoir 10 ans en 2017 lors des faits.

Si le rôle d’audience fait bien mention d’une poursuite pour viol, crime passible des Assises, le procès a bien au lieu au tribunal correctionnel pour des chefs d’agression sexuelle aggravée (un délit passible de 10 ans de prison). En l’absence de pénétration le risque d’acquittement était élevé dans le cas d’un procès d’assises, une correctionnalisation permet souvent de juger plus vite, avec de meilleures chances d’obtenir une condamnation et donc, pour la victime, d’être reconnue comme telle.

Dans une salle vidée de tout public, famille et presse comprises, l’adolescente a pu s’exprimer plus librement sur ces faits reconnus durant toute l’enquête par l’homme qu’elle accuse.

Le procès du gouroi

« Ce qu’on lui reproche, résume Me Alexandre Volz, avocat de la défense, c’est d’avoir pratiqué un gurua à deux reprises ». Le gurua, c’est cette pratique qui revient fréquemment devant le tribunal, et qui consiste pour un homme à frotter son sexe entre les cuisses d’une jeune fille sans la pénétrer, échappant ainsi à toute poursuite pour viol, mais aussi à un éventuel mariage d’arrangement, autre pratique encore répandue, et dont le tribunal ne montre sans doute que la partie émergée de l’iceberg.

Des faits que le prévenu qui aura 40 ans l’année prochaine avait donc reconnu pendant trois ans… avant de se raviser à l’audience et de nier en bloc. Une stratégie qui « n’a pas emporté la conviction du tribunal » résume pudiquement son avocat. Ni celle du parquet d’ailleurs. Qui après trois ans de détention espérait probablement un mea-culpa et un minimum d’introspection. Face au déni, la sévérité est souvent de mise. Le procureur avait requis 6 ans de prison ferme.

Pour Me Volz, la défense reposait sur deux volets. D’une part, la demande d’un nouveau procès, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal n’ayant selon lui pas été traduite de sorte à être compréhensible par son client. Si cette nullité avait été retenue, « ça aurait impacté beaucoup d’autres dossiers en cours » reconnaît le juriste. Les juges ont pris une semaine pour étudier sa demande avant de la rejeter. L’avocat estimait aussi utile la prison ferme « puisqu’il avait de toutes façons fait trois ans de détention provisoire » explique-t-il en substance, mais surtout il souhaitait une injonction de soins.

A l’issue de leur délibération les juges ont entendu les deux derniers points. Ainsi que l’avis du parquet. Allant au delà des réquisitions, ils ont prononcé une peine record de 8 ans de prison ferme et 15 000€ de dommages et intérêts, soit peu ou prou ce qui aurait pu être prononcé aux Assises.

La défense devrait interjeter appel.

Y.D.

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