Une plate-forme en ligne accessible à tous et participative pour sauvegarder et partager le patrimoine de l’Océan Indien, ça vous dit quelque chose ? C’est normal. Il y a tout juste trois ans, les Archives Départementales inauguraient l’iconothèque historique de l’Océan Indien, un vaste projet d’envergure internationale visant à réunir sur un même site Web un maximum de documents visuels sur l’histoire de la zone.
Désormais, c’est la culture musicale qui est dans la ligne de mire des protecteurs de la culture régionale. Pour tenter de préserver ce patrimoine, transmis oralement depuis des siècles mais qui tend à se perdre de nos jours, plusieurs actions sont mises en place.
La première, c’est une exposition, qui a vocation à voyager dans toute la zone, du canal du Mozambique jusqu’à Maurice. Cette exposition d’une vingtaine de panneaux retrace l’histoire et la variété du Séga ou Tschiéga, ce genre musical qui était jadis un moyen d’expression pour les esclaves, avant de s’enrichir au gré des mouvements de population, qu’il s’agisse de l’arrivée des « engagés » indiens ou de l’influence des colons occidentaux.
« A la fois musique et danse le Sega fait partie du folklore et de la culture de l’océan indien » note Siti Yahaya Boinaïdi, ethnologue oeuvrant pour les Archives départementales.
« Comme le Shigoma chez nous, le Sega est à la fois le chant et la danse. Ce mot est d’origine soihili et signifie retrousser ses habits comme le font les danseurs. C’est en premier lieu une pratique des noirs esclaves d’Afrique et de Magagascar. C’était un espace de liberté et d’expression libérateur. Avec l’arrivée des engagés indiens, il s’est enrichi avant de se réinventer sous l’influence des colons européens. Sa transmission se fait de manière orale et par imitation » résume cette spécialiste.
L’exposition est accompagnée d’un livret qui réunit des ressources visuelles et des partitions ainsi qu’un CD pour la diffusion.
Pour faire découvrir ce genre musical, trois enseignants de l’école de musique de Mayotte ont accepté de participer à la présentation de l’exposition vendredi au Conseil départemental. Njila, Pascal et Jean ont donné de l’instrument traditionnel (mais électrique) pour réinventer un titre malgache : Saint-Pierre. Un titre choisi car il transcende les frontières, explique Njila. « Cette musique est malgache, mais le titre c’est Saint-Pierre, St Pierre c’est à La Réunion, le Séga c’est l’Océan Indien, et c’est tout ».
Pascal, son compagnon de musique, salue l’initiative. « On nous a appelés pour venir illustrer cette exposition en interprétant un des morceaux qui figurent dans le livret. A l’école de musique de Mayotte on a comme mission de garder vivante la culture mahoraise. Vu que c’est un enseignement oral et que les fundis disparaissent, que la relève n’est pas forcément là, on essaye de garder ça vivant. Jean, luthier, est à l’école de musique de Mayotte depuis un an où il reprend et améliore des instruments traditionnels. On a vraiment comme mission d’essayer de transmettre cette culture qui avec le temps petit à petit s’étiole. »
Pour éviter de perdre ces chants et danses comme le sega mais aussi d’autres richesses musicales comme le shigoma à Mayotte ou encore le M’Biwi et tant d’autres, une plate-forme similaire à l’iconothèque historique de l’Océan Indien, intitulée Phonothèque historique de l’Océan Indien, permettra à tout un chacun de déposer ses fichiers pour partager et pérenniser cette richesse tant qu’il est encore temps.
Ce projet commun à 8 îles de la zone (La Réunion, Madagascar, Rodrigues, Maurice, Les Seychelles, Les Comores, Mayotte et Zanzibar) sera mis en ligne dès le 21 juin à cette adresse pour la fête de la musique. La page Facebook est d’ores et déjà opérationnelle.
Y.D.