« Redonner à notre système de santé un avenir serein, apaisé et uni. » Telle est l’ambition affichée du ministre de la Santé Olivier Véran en introduction du dossier de presse concernant le Ségur de la Santé. Et de rappeler comment le Ségur a été lancé en 2020 alors que la crise sanitaire battait son plein.
« Il y a un an, l’ensemble des acteurs de notre système de santé s’asseyaient autour de la table. En déplacement à Mulhouse, le Président de la République avait promis « un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières pour notre hôpital» »
Un plan massif pour l’hôpital, c’est ce qui est attendu de longue date par les personnels soignants et administratifs de Mayotte confrontés à un important turn over, et à un manque d’attractivité qui, au delà de l’insécurité, touche aussi aux conditions de travail.
Or, on peut le voir, sur les 19 milliards d’euros, Mayotte ne récolte qu’une enveloppe toute relative de 65 millions. C’est moins de la moitié de l’enveloppe accordée à la Corse, qui avec 340 000 habitants environ, ne compte qu’environ 25% d’habitants de plus que nous (selon le recensement de 2017 qui comptait à Mayotte 256 000 habitants). La Guyane, à peine plus peuplée que Mayotte selon l’Insee (294 000 habitants) récolte le double de notre enveloppe avec 138 millions d’euros.
Au moins Mayotte se distingue-t-elle par la création de « lits saisonniers » pour faire face à la bronchiolite. Une manière d’adapter les moyens aux besoins
« Au CH de Mayotte, l’unité de bronchiolite du service de pédiatrie a pu bénéficier du dispositif. Au total, 8 lits ont été ouverts sur une période de 90 jours, d’avril à fin juin. L’équipe du CH de Mayotte prévoit de recourir à nouveau à ce dispositif si nécessaire, dans la mesure où il a permis de prendre en charge une hausse de l’activité liée à l’épisode saisonnier de bronchiolite » indique le document.
Mayotte est ainsi citée en exemple du dispositif des lits à la demande, financé à hauteur de 50 millions d’euros pour un bilan de « 2 686 lits supplémentaires ouverts dans 279 établissements bénéficiaires ».
Mais les lits ne sont pas grand chose sans personnel soignant. Et là encore, Mayotte est à la traîne. Les chiffres fournis indiquent les revalorisations accordées au personnel, et on peut voir que notre département manque cruellement de médecins, d’internes et d’autres personnels.
Ainsi ce sont 226 médecins hospitaliers « revalorisés » chez nous, contre près du double en Guyane (414) ou en Corse (465).
Et avec 134 internes et étudiants en santé revalorisés, l’écart se creuse encore avec le département français d’Amérique du Sud (284) ou l’île méditerranéenne (403).
« Mettre fin à l’intérim médical »
Une situation pointée du doigt par le rapport qui, sans citer Mayotte, fait fortement écho à la situation que nous connaissons.
« Sans être problématique dans son principe, l’intérim médical s’est surdéveloppé depuis plusieurs années dans des conditions devenues insoutenables pour le système de santé, les hôpitaux et les équipes titulaires. Dans certains cas extrêmes, l’intérim médical est devenu le principal voire le seul mode de recrutement des praticiens. Le résultat est souvent le même : des hôpitaux, en situation de dépendance au vu de la rareté de la ressource médicale, qui doivent massivement recourir à l’emploi temporaire pour assurer la continuité de leur activité et in fine, des coûts souvent exorbitants pour les établissements de santé, alors qu’ils se trouvent déjà dans une situation financière difficile. Les conséquences sont délétères pour la cohésion des équipes médicales les plus exposées et affectent les ressources de certains établissements, voire la qualité des soins lorsque le recours à l’intérim et le turn-over des personnels médicaux dépassent la norme. »
Une vision comptable de la situation a conduit à une loi qui, au lieu de s’intéresser à l’attractivité et à la fidélisation des personnels, permettra « à partir d’octobre 2021, aux ARS de dénoncer les situations locales devant les tribunaux administratifs et aux comptables
publics de bloquer le paiement des rémunérations dépassant les plafonds
règlementaires ».
A Mayotte où le recrutement de praticiens passe souvent par des salaires exorbitants, des avantages (billets pris en charge, logement et voiture de fonction) et ce, malgré des contrats courts (parfois pas plus de trois mois), il n’est pas sur que cette mesure d’économie budgétaire vienne arranger une situation déjà calamiteuse.
Y.D.