Comme il y a deux semaines, Santé publique France publie un bulletin particulièrement détaillé sur le contexte de l’épidémie à Mayotte. Nous résumerons pour chaque rubrique, tests, catégorie professionnelle, profil des hospitalisations et décès, les données connues, pour nous attarder sur les plus récentes.
Depuis l’apparition du virus sur le territoire mi-mars, et à la date du 28 mai, plus de 6.000 tests ont été réalisés en 2,5 mois, soit environ 80 par jour. Non encore noté dans le bulletin, le 30 mai l’ARS Mayotte annonçait plus de 7.000 tests, soit prés de 500 tests en deux jours, une forte accélération sans doute à mettre en lien avec la découverte de foyers épidémiques.
La stratégie de tests repose sur le prélèvement pour « tout patient présentant un tableau clinique évocateur de COVID-19 », rappelle Santé Publique France, qui nuance, « néanmoins, il est possible que les cliniciens aient limité les prélèvements lorsque le diagnostic paraissait évident cliniquement ou épidémiologiquement. De plus, les équipes mobiles de prélèvement du CHM, fortement investies dans l’activité de prélèvement sur l’île, ont cessé provisoirement leur activité durant 10 jours. » Elles auraient assuré 30% des prélèvements du CHM, selon SpF.
A modérer avec les propos de Catherine Barbezieux, la directrice de l’hôpital s’expliquant sur la suspension de prélèvement de ces équipes : « Elles n’étaient pas assez sollicitées en proportion des trajets à effectuer. D’autre part, certaines ont été menacées. » Elles vont être remobilisées avec un surcroît de moyens, annonçait-elle, dans la perspectives d’atteindre un niveau ambitieux de 500 tests par jour.
Autre raison avancée par Santé Publique France sur la diminution du nombre de test, la volonté de tester autour de foyers élargis, « pouvant contribuer à une baisse du taux de positivité global ». Une information malgré tout encourageante puisqu’elle signifie que l’entourage élargi n’est pas ou peu touché.
La volonté affichée est donc de renforcer la politique de tests, « d’autant plus dans cette période faisant suite aux célébrations de l’Aïd qui ont pu générer des situations propices à la circulation du virus », avec une investigation téléphonique pour chaque cas.
Accentuer la prise de conscience de la population
Face à la précarité socio-économique d’une grande partie de la population, l’application de la quatorzaine reste un défi pour de nombreux malades. Le Centre d’Hébergement Spécialisé a ainsi permis de protéger l’entourage « de près de 300 personnes atteintes du COVID-19. » L’investigation sur l’entourage en vue de dépister les sujets fragiles lors d’opération de contact-tracing, va être renforcée par des médecins généralistes et la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte.
Le peu de cas graves à Mayotte n’aide pas à la prise de conscience par la population, constate Santé Publique France, qui appelle à une « co-construction des interventions avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la santé ».
Après la réouverture des commerces, de certains établissements scolaires, des lieux de culte, et la levée des restrictions de déplacement en ce jour de déconfinement, il s’agit de communiquer sur la distanciation physique, le lavage des mains et le port du masque. « De plus, les prochaines semaines verront se dérouler de nombreux évènements propices à la naissance de foyers épidémiques de par leur nature : élections municipales, mariages/manzaraka, évènements festifs… Au cours de ces rassemblements, un seul malade pourrait alors contaminer une large proportion des personnes présentes, et ce, dans sa phase symptomatique ou dans les 48h la précédant. »
Les paramédicaux davantage touchés
En matière d’analyse statistique des cas, l’âge médian reste stable, 37 ans (la moitié des malades ont moins de 37 ans, logique dans une population très jeune), avec quasiment autant de femmes que d’hommes. Ce sont logiquement des malades plus âgés qui développent les formes plus graves (âge médian à 51 ans), pour passer à 57 ans en réanimation, et 64 ans pour les décès, qui concernent 2 fois plus d’hommes que de femmes.
Sur les 3 dernières semaines, on assiste à une chute du nombre de cas, ainsi que du taux de positivité (de 34% à 29%) et du passage aux Urgences (de 30% à 25,8%). A mettre en perspective donc avec les raisons invoquées plus haut par SpF, notamment de suspension des équipes de dépistage. Ce qui incite à pencher pour une diminution du nombre de cas qui « ne reflète pas la dynamique épidémique actuelle ».
Les données d’investigation individuelle ont permis d’identifier 68 femmes enceintes, soit 7,9% des cas positifs féminins, « dont 14 ont été hospitalisées, en lien ou non avec le COVID-19 ». Les femmes sont davantage touchées désormais à Mayotte que les hommes. Le cas le plus jeune était âgé de 1 jour et le plus âgé de 93 ans. Parmi les 35 enfants de moins de 15 ans : 22 enfants de 10 à 14 ans, 5 enfants de 8 et 9 ans, 1 enfant de 4 ans, 7 enfants de moins d’un an.
On sait que les professionnels de santé sont particulièrement atteints, avec un regain après une accalmie, surtout chez les paramédicaux. Les forces de l’ordre et les pompiers sont également touchés. Le délai moyen entre la date de début des signes et la date de prélèvement des soignants était de 2 jours contre 3 jours dans la population générale (données disponibles pour 108 cas).
8 foyers en cours d’investigation
La propagation géographique a évolué. En semaine 21, une diminution du nombre de nouveaux cas diagnostiqués sur le grand Mamoudzou et Petite-Terre semble se dessiner tandis qu’au sud de l’île une plus large propagation du virus est observée. Plusieurs foyers (clusters) persistent : 8 sont en cours d’investigation, on pense notamment à la prison de Majicavo, 5 sont maitrisés mais toujours sous surveillance car le dernier cas a été identifié il y a moins de 14 jours, au moins 14 clusters maîtrisés.
Encourageant car ne dépendant pas systématiquement du dépistage, la proportion hebdomadaire de passages aux urgences pour suspicion de COVID-19 a diminué (27,1% en Semaine 20 et 25,8% en S21).
Parmi les 34 cas graves enregistrés depuis le début de la maladie, 30 patients (88%) étaient soit diabétiques (41%) soit hypertendus (44%). De plus, 7 patients étaient en surpoids et 13 patients en situation d’obésité. Prés de la moitié des patients (47%) présentaient au moins 3 facteurs de risque (Tableau 3). Trois des quatre patients exempts de facteurs de risque apparents, âgés de 11 ans, 15 ans, 64 ans et 69 ans, présentaient maigreur maladive. Au total, 24 patients ont développé un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë, nécessitant une ventilation invasive pour 13 d’entre eux.
La plupart des 21 décès liés au Covid sont survenus au cours des quinze premiers jours de mai, et concernaient 7 femmes contre 14 hommes.
En conclusion, l’impact de l’accroissement du nombre de tests révélé ces deux derniers jours est attendu, avec une certitude, le cluster de la prison va faire monter en flèche le taux de positivité. Il serait donc intéressant d’avoir des données différentiées pour détacher la tendance liée aux foyers de celle de la propagation du virus sur l’ensemble du territoire. D’autre part, afin d’éviter une intensification de la circulation virale durant l’hiver austral, Santé Publique France appelle à la « mise en œuvre de mesures concrètes par les acteurs locaux afin d’éviter la survenue de foyers épidémiques. »
Anne Perzo-Lafond
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Ni santé publique France ni l ars ne calculent le taux d incidence, pourtant très simple a calculer. Étonnant.
Lorsque ce taux d incidence est supérieur a 50, on a un critère supplémentaire dans le rouge. Selon la présentation faite par Edouard Philippe, il est a surveiller de près afin qu il ne dépasse pas 10, et il est au vert a Mayotte.
Or, depuis le mois de mai, une simple règle de trois nous indique que ce taux dépasse largement les 50 pour 100 000. On devrait être dans le rouge.
Je viens de voir la rediffusion de l Interview du préfet le lendemain de l intervention du premier ministre, content que Mayotte soit au même niveau que Paris. C est faux, on est dans le ROUGE.
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