Ils ont été jusqu’à présent particulièrement silencieux. Les élus de Mayotte, à l’image de la population, font le dos rond face à la crise de l’eau que subit le département. Mais la situation s’installant dans la durée, une voix se fait enfin entendre officiellement. Anchya Bamana, la maire de Sada, écrit au président du SIEAM* pour lui faire part de la «souffrance et de l’exaspération de la population» des communes victimes des coupures d’eau.
Pour elle, la situation est «injuste». Alors que le reste du territoire bénéficie d’un service normal, l’élue parle de «réelle rupture d’égalité d’accès à une ressource vitale» et d’une «discrimination entre le nord et le sud» depuis le 16 décembre dernier.
L’élue choisit aussi de se faire l’écho des conséquences «graves» de cette situation, avec un «risque sanitaire majeur avec la distribution d’une eau non-potable» et des «mesures d’hygiène de base assurées difficilement, notamment pour les personnes en situation de fragilité» et particulièrement ceux qui reçoivent des soins à domicile, les enfants et les personnes âgées.
Et le report de la rentrée scolaire est venu «renforcer le désarroi justifié de nos administrés», écrit Anchya Bamana.
Qui paiera la facture ?
La maire se montre très critique sur l’ensemble du dispositif et ses résultats relatifs. Logiquement, elle souhaite donc que d’autres solutions soient mises en œuvre pour répondre aux besoins vitaux de la population. Elle propose ainsi la «fermeture immédiatement des rampes», ces systèmes mis en place dans les communes concernées par les coupures et qui permettent un accès à l’eau potable. Elle veut également une distribution d’eau en bouteille «gratuitement» par le SIEAM à la population.
Et elle pose aussi les questions qui fâchent: «Qui paiera la facture de l’eau des rampes qui ont engendré beaucoup de gaspillage?» demande-t-elle. «Les administrés devront-ils payer les prochaines factures alors qu’ils reçoivent de l’eau non potable?» Elle souhaite d’ailleurs une «révision à la baisse du coût de l’eau pour les prochaines factures, faute de service» rendu.
La rentrée ne peut pas être envisagée
La maire de Sada reconnaît ne pas être une experte de la gestion de la ressource en eau, mais sa position d’élue l’autorise à formuler des pistes, «pour le court terme» pour permettre un égal accès à l’eau: créer une interconnexion entre le réseau de Bouyouni, la retenue de Combani et le réseau sud pour permettre des transferts ; connecter le réseau du sud à la retenue collinaire de Dzoumogné ; installer dans les villages des rampes en dur, véritables fontaines publiques qui permettraient à la population d’avoir accès au minimum vital ; et enfin, installer des pompes pour basculer les eaux de Dapani vers Mtsamoudou et celles d’Ongoujou vers Tsararano et Hajangoua. Elle souhaite aussi que le dossier de la 3e retenue collinaire soit accéléré.
Enfin, concernant la rentrée scolaire, officiellement repoussée jusqu’à jeudi, elle prévient: «l’équipement de nos établissements ne nous permet pas d’envisager une ouverture tant que la situation reste inchangée. En effet, nos écoles ne disposent pas de citernes pour nous permettre de faire fonctionner ces établissements». En clair, dans la commune de Sada, la rentrée pourrait être conditionnée à un retour de l’eau courante en continu.
Face à une situation dans les écoles qui n’a pas du tout été anticipée, Anchya Bamana est donc la première à faire entendre officiellement une opinion discordante. Ce pourrait être le début de nombreuses critiques face à des dispositions jusqu’à présent largement admises.
RR
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*SIEAM: Syndicat intercommunal chargé de l’eau et de l’assainissement