La délégation nationale de la CFDT dénonce l’irresponsabilité de certains élus à Mayotte

Après avoir été attractive pour les scientifiques, ce sont les syndicats qui défilent à Mayotte : une délégation de la CFDT est de passage pour assurer une formation, et donner un diagnostic sans tabou de la situation économico-sociale de l’île. Détournements des politiques ou abus des défiscalisations sont dans le même panier.

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Comme pour les baleines, c’est une histoire de saison, celle des élections des représentants syndicaux de la fonction publique en l’occurrence, qui se tiendront le 6 décembre prochain. Après Philippe Martinez et une délégation CGT du BTP ce lundi, c’est la CFDT qui vient parler de ses priorités. Pascal Catto, Secrétaire confédéral Délégué Outre-mer CFDT ne s’en cache pas, il est notamment venu pour faire campagne : « Nous défendons la qualité de vie au travail pour les agents des trois fonctions publiques, en particulier quand on voit la file d’attente devant les dispensaires ici, et nous contestons le gel de du point d’indice, étant donné la reprise de la croissance économique en France. »

Mais il est venu avec une délégation qui a notamment rencontré le préfet, et qui défend auprès des autorités en général, d’autres priorités, celle du logement social est en bonne place. Ibrahima Dia, Secrétaire confédéral, chargé du Logement et de la politique de la ville, déplore notamment l’insuffisance des budgets nationaux envers l’outre-mer : « Nous poussons pour que le deuxième opérateur après la SIM, qu’est Action logement*, fournisse un effort plus important pour répondre aux besoins, qu’il investisse davantage à Mayotte. Il n’y a actuellement que 278 logements sociaux, impensable au regard des 260.000 habitants ! » La ministre des Outre-mer a annoncé 400 logements dans ses 53 mesures, « mais il y a un problème opérationnel à Mayotte, et c’est transversal à tous les dossiers : il y a les fonds, mais comment peuvent-ils être dépensés ? »

« Le calendrier du politique n’est pas celui du territoire »

Formation ce mardi matin pour les agents de la fonction publique

Un problème d’ingénierie soulevé par les leaders de la mobilisation sociale, dans lequel ils s’engouffrent aisément : « On accuse beaucoup l’Etat, mais les politiques locaux doivent prendre leurs responsabilités, ils doivent flécher de manière honnête les projets immobiliers. Ce qui s’est passé il y a 3 mois (le conflit social, ndlr) doit les faire réfléchir ! » La réponse aux besoins en logement notamment, doit se faire « avec un travail en commun de tous les acteurs. »

Des propos constructifs, qui sont pensés en terme de territoire : « On nous dit que le locatif n’est pas habituel ici, car ‘le Mahorais est propriétaire’. Il faudra pourtant faire des concessions pour pouvoir loger tout le monde. Cela doit se faire en concertation avec la population. » La résidence Mangua Bé de Chirongui avec ses espaces aménagés en fonction de la culture locale, pourrait servir d’exemple à suivre.

Pascal Catto prend du recul : « Les mesures prises par le gouvernement vont dans le bon sens, mais il pourrait y avoir des milliards, s’ils ne sont pas dépensés, rien ne bougera. Le calendrier des politiques n’est pas celui des avancées du territoire, comme la mise en place d’une station d’épuration Pour que tout le monde s’active, il faut une instance de dialogue social, qui pourrait être celle que prévoit le code du Travail, le CREFOP. Axée sur la formation professionnelle, elle va obliger patronat et syndicat à travailler ensemble, le premier a obtenu des allègements de charges sociales, il faut qu’il accompagne maintenant une montée en compétence des salariés, et des contrats d’apprentissage. »

« Les outre-mer n’ont rien à envier aux paradis fiscaux »

Pascal Catto cible une instance paritaire pour accélérer les décisions

Une instance que l’Etat et les collectivités locales doivent intégrer, « il faut avant tout réduire le chômage, en formant, et grâce à un dispositif dont nous a parlé le préfet, la Garantie Jeunes** qui permet l’insertion de ceux qui sont en grande précarité. Il faut aussi une montée en puissance des compétence ici, en formant des cadres ». Mais il faut aussi éviter la fuite des cerveaux en garantissant une éducation de qualité pour leurs enfants.

Sur les mesures de la ministre, « un comité de suivi est indispensable », il est d’ailleurs mentionné aux 53 mesures, « c’est le mal français, on crée des politiques mais on ne les évalue pas », déplore Pascal Catto. Sur le secteur public, même montée en compétence des salariés des collectivités, dont certains errent parfois dans les couloirs, « il faut les former sur les secteurs en besoin de l’accompagnement des jeunes ou sur la surveillance des lieux publics. »

Sur le sujet de l’immigration clandestine, la délégation CFDT dit son impuissance face au problème diplomatique, et si elle appelle une lutte renforcée contre le travail informel, elle demande un traitement digne pour les personnes à reconduire.

La lassitude règne à Mayotte sur les revendications de la vie chère, « la structure comparative des prix que nous avions effectuée en 2011 pointait une partie transport allant de 3 à 15% d’influence sur la construction du prix. Nous avions aussi demandé que les marges après arrivée des produits soient calculées sur le prix hors octroi de mer une fois celui-ci prélevé, mais les lobbys de la grande distribution ont eu le dessus. Les outre-mer n’ont rien à envier aux paradis fiscaux ! » Pour preuve, ils se scandalisent du montant consacré à la défiscalisation, un milliard d’euros, « c’est la moitié du budget Outre-mer… » A chacun son « Longoni », donc !…

Les chantiers ne manquent pas donc, sans compter l’application du code du Travail, ou la transposition du code de la Sécurité sociale, projet phare de la CFDT Mayotte pour les années à venir.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

*Action Logement gère paritairement la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction, versée par toutes les entreprises du secteur privé d’au moins 20 salariés, pour conduire ses deux missions principales : accompagner les salariés dans leur mobilité résidentielle et professionnelle, en proposant des services et des aides financières qui facilitent l’accès au logement et donc à l’emploi, construire et financer des logements sociaux et des logements intermédiaires.
** La Garantie jeunes est un droit ouvert qui s’adresse aux jeunes de 16 à moins de 26 ans, en situation de précarité qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude

2 Commentaires

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