Après plusieurs années de baisse, le nombre de naissances enregistré dans les maternités du CHM s’envole. Après une hausse de 11% l’an dernier, les tendances de cette année annoncent un nouveau record. Le système de santé actuel atteint ses limites.
Le centre hospitalier de Mayotte s’apprête à enregistrer un nouveau record du nombre d’accouchements et ce n’est pas une bonne nouvelle. En effet, l’ampleur de la progression est telle que le fonctionnement actuel du système de santé est proche de la saturation.
Depuis le début de l’année, l’activité des maternités est à un niveau inédit, dépassant sans aucun doute son pic de 2007. Cette année-là, 7.941 naissances étaient réalisées par les équipes du CHM. Depuis, le nombre d’accouchements diminuait de façon continue, malgré l’évolution des mentalités qui entraînait une baisse du nombre d’accouchements à domicile.
Mais depuis 2013 la tendance a changé et elle s’est nettement inversée. Cette année-là, les chiffres sont repartis à la hausse avec 6.644 naissances. Le mouvement s’est encore amplifié en 2014 avec 11% de naissances en plus pour arriver à 7.374 bébés. Pour 2015, le cap des 8.500 naissances qui paraissait impensable à tenir pour les équipes médicales pourrait être dépassé, et même largement. Ce nombre représenterait une hausse de plus de 15% des naissances à l’hôpital d’une année sur l’autre.
Près de 800 naissances en juillet
Depuis le début de l’année, il n’y a aucun moment de répit au CHM. Mayotte connaît, comme toutes les régions du monde, une certaine «saisonnalité» des naissances : il y a par exemple plus de bébés 9 mois après la fin du ramadan. Problème : cette année, chaque mois semble être un pic et l’augmentation de l’activité attendue en avril-mai est passée inaperçue. Rien qu’en juillet, mois qui aurait dû être plus calme que les précédents, ce sont encore près de 800 naissances qui ont été réalisées dont quasiment 550 à Mamoudzou.
Le CHM avait planifié l’ouverture de 20 lits supplémentaires à la maternité durant ce mois d’août. Il espérait ainsi amener un peu de souplesse dans le fonctionnement du service. Las… Ces 20 nouveaux lits sont effectivement disponibles mais ils ne permettent que de répondre partiellement à l’accroissement de l’activité, une course sans fin.
En 2014, le taux d’occupation à la maternité de Mamoudzou était de 117%. Mais ce taux tombe à 87% lorsqu’on prend en compte le CHM dans son ensemble avec les 4 hôpitaux périphériques (Petite Terre, Dzoumogné, Mramadoudou et Kahani). La différence s’explique par le plateau technique de Mamoudzou qui permet de prendre en charge les accouchements compliqués mais aussi par le choix de nombreuses futures mamans qui préfèrent accoucher dans l’hôpital central.
Ce déséquilibre a conduit à mettre en place un système qui consiste à transporter des femmes et leur bébé, dans un temps relativement court après l’accouchement, vers les autres hôpitaux pour soulager l’hôpital central. Ces «procédures dégradées» sont indispensables pour ne pas «embouteiller» le CHM. «Nous ne sommes jamais ravis de faire partir des jeunes mamans très peu de temps après l’accouchement, mais celles qui sont concernées répondent à des conditions bien précises, après un accouchement par voie classique et uniquement si la maman et le bébé se portent bien», précise Anne Rousselot, directrice-adjointe du CHM.
Malgré les 20 nouveaux lits de la maternité de Mamoudzou, ce système des «rotations sanitaires» est donc appelé à durer.
Après les 8.500…
Aujourd’hui, la question se pose de savoir jusqu’où ira le compteur. Après l’hypothèse des 8.500 naissances en 2015 à quel moment la courbe va-t-elle s’infléchir à nouveau? «Cette forte progression de l’activité signifie, qu’avec nos partenaires, nous devons envisager des hypothèses difficiles», explique dans un langage diplomatique Anne Rousselot. En d’autres termes, il va falloir imaginer sérieusement un scénario à plus de 9.000 naissances par an et donc une réponse des autorités sanitaires.
L’Agence régionale de Santé (ARS) va devoir s’occuper, vraiment, des hôpitaux de Mayotte. Organisation, locaux, budgets… Il y a urgence à se préparer au maximum pour ne pas épuiser les équipes et asphyxier notre système de santé. Car, en cascade, ce sont d’autres services qui font également face à un afflux de patients comme la néonatologie et la pédiatrie, nécessitant eux-aussi plus de moyens.
L’ARS océan Indien a réalisé pour des centaines de millions d’euros de travaux dans de nouveaux hôpitaux à La Réunion ces dernières années. Mayotte a dû se contenter du lancement de l’hôpital de Petite Terre et de ses 55 lits. Cette nouvelle structure est tout à fait nécessaire mais semble très éloignée des réponses indispensables à apporter aux enjeux sanitaires d’aujourd’hui… Et donc de ceux de 2016 et des années suivantes.
François Maury, le nouveau directeur de l’ARS OI, doit prendre ses fonctions lundi prochain, le 24 août… Caribou Maoré !
RR
Le Journal de Mayotte