On apprend beaucoup de choses à la lecture des 16 pages du courrier adressé par Bichara Bouhari Payet, la Conseillère départementale de Dembéni, au président Soibahadine Ibrahim Ramadani. La lettre date du 25 juillet déballe dans le détail les conditions de l’élections du président, l’ambiance et le mode de fonctionnement de la majorité ainsi que quelques perles qui devraient intéresser la justice.
«Si je ne vote pas pour Soibahadine Ibrahim Ramadani au poste de président du Conseil départemental, que Dieu me punisse sévèrement pour tout le reste de ma vie». Cette phrase, chaque élu a dû la répéter droit dans les yeux face à la «chargée de communication actuelle», alors que les élus de la nouvelle majorité étaient enfermés à l’hôtel Trévani. Nous sommes fin mars 2015 et l’élection solennelle du président doit intervenir quelques jours plus tard. La chargée de communication «nous faisait répéter la leçon», affirme Bichara Payet. «On nous appelait un à un, comme des soldats».
L’anecdote est utilisée par l’élue pour partager l’ampleur de sa déception. Elle avait accepté de se plier à l’exercice car elle affirme avoir cru dans le président Ibrahim Ramadani. Deux ans plus tard, les choses ont bien changé.
Le « mépris »
Son courrier est destiné à dénoncer des «dysfonctionnements» au Conseil départemental. Elle évoque ainsi un directeur de cabinet qui «fait partie des dictateurs LR de Mayotte», des agents qui voient «leurs niveaux de compétence chuter parce qu’ils sont inactifs» ou encore l’absence du président lui-même. «Impossible d’organiser des réunions du groupe de la majorité et compter sur votre présence depuis notre arrivée au Conseil départemental en mars 2015. Même dans une entrepris, de temps en temps, le patron réunit les salariés pour les écouter, échanger sur le fonctionnement de l’entreprise, notamment quand ça va mal», écrit Bichara Bouhari Payet.
Pour tenter de faire bouger les choses, des élus ont bien décidé de ne plus se rendre au petit-déjeuner organisé avant chaque séance plénière. Mais rien n’a changé. Ces élus ont été qualifiés de «frondeurs» et le président «continue (sa) vie tranquille comme si rien n’était», raconte la Conseillère.
Rien ne va plus!
La crainte qu’un élu déballe dans la presse le «mépris» du président pour les autres élus, selon ses mots, aurait pourtant poussé le président à organiser «plusieurs réunions avec tous les élus du groupe», chez lui, à Chiconi, «au tour d’un grand repas, puis au Conseil départemental». S’en serait alors suivi un bref moment de fonctionnement en équipe, «trop beau pour être vrai». Rapidement, les choses vont empirer, malgré le séminaire organisé avec des maires, parlementaires et bien entendu conseillers départementaux… à Madagascar.
Depuis, rien ne va plus : c’est dans la presse que la plupart des élus ont appris la nomination du DGS, sans parler du fonctionnement de la SPL976, du service environnement et du service communication, du manque d’assistants ou encore du nombre d’agents de sécurité dont l’élue souhaiterait savoir combien ils sont et ce qu’ils font… Bref, rien n’échappe à la colère de Bichara Bouhari Payet.
Des accusations d’emplois fictifs
C’est enfin un DGA qui subit les foudres de la Conseillère départementale… «Le département est en train de payer des gros salaries à des gens qui tournent en rond, combien tout ce monde-là coûte au département en termes de salaire, (…) avec quelle production ?» se demande-t-elle, estimant qu’«aucun projet ne sortira», une situation pénalisante pour les entreprises mahoraises.
Enfin, le courrier va encore au-delà. Bichara Bouhari Payet affirme ainsi que le 13 juillet dernier, une de ses collègues élue «a fait part d’une information sur des emplois fictifs» à d’autres membres de la majorité. Il serait ainsi question d’«une dame qui touche un salarie au CD depuis 2 années alors qu’elle travaille et touche son salaire au CHM». Bichara Bouhari Payet affirme que le DGS lui aurait «confirmé qu’effectivement ces emplois fictifs existent bien et toute l’administration du CD est au courant de la situation»… Voilà qui ravira sûrement le procureur de la République, car Bichara Bouhari Payet indique que finalement la «dame qui travaille au CHM» serait même rémunérée par la département depuis 3 ans. Le JDM n’est pas en mesure de confirmer ces informations.
L’élue met également en cause l’ADIM, vers laquelle des compétences en matière de développement économique ont été transférées, s’inquiétant de la «transparence» d’une structure à l’écart du regard de la Chambre régionale des comptes.
Même sir Bichara Payet n’apporte pas la preuve de ses accusations, il y a des chances pour que son courrier qui pourrait ne pas rester lettre morte.
PM
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