Sécurisation de la piste d’aéroport : les passagers devront payer

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L'EMAS doit dissiper l'énergie de l'aéronef lors d'une sortie de piste, soit à atterrissage, soit au décollage
Gérard Mayer revenait sur la saga de la sécurisation de la piste
Gérard Mayer revenait sur la saga de la sécurisation de la piste

Devenu département français, Mayotte devait se plier aux normes européennes qui imposent des travaux de sécurisation des pistes pour les avions et les passagers en y consacrant 180m, soit 90 mètres à chaque bout. La piste la plus courte du monde à accueillir des gros porteurs, Pamandzi et ses 1930m, se trouvait fort dépourvue quand la contrainte fut venue. Pour ne pas empiéter de chaque côté et condamner la desserte, il fallait étendre vers la mosquée et les habitations aux procédures d’expropriation contraignante, et de l’autre, sur le lagon.

L’idée de mettre en place un procédé innovant, les EMAS pour Engeneered Material Arresting System (prononcer imas) a alors germé dans la tête des dirigeants de la SEAM, filiale du délégataire de l’aéroport, SNC Lavallin, racheté depuis par EDEIS. Ces « lits d’arrêt » ne nécessitent que 40m à chaque bout, procédé encore expérimental, mais approuvé par l’Europe. Il est calqué sur les bandes molles installées pour les couloirs des camions sur les fortes pentes en montagne. « Ils permettent d’amortir l’atterrissage d’un aéronef lancé à 70 nœuds minimum », précise Gérard Mayer, président de la SEAM et représentant le président de EDEIS Management, Youssef Sabeh. La Réunion a d’ailleurs trouvé l’idée suffisamment intelligente pour se l’approprier sur la sécurisation de sa piste.

Fuite de l’aéroport vers le port

L'EMAS doit dissiper l'énergie de l'aéronef lors d'une sortie de piste, soit à atterrissage, soit au décollage
L’EMAS doit dissiper l’énergie de l’aéronef lors d’une sortie de piste, soit à atterrissage, soit au décollage

A Mayotte, le financement avait été annoncé comme inscrit au programme opérationnel des fonds européens en 2014, comme le rappelle Gérard Mayer : « Le préfet Morsy s’y était engagé, mais tout le budget du fonds Feder alloué aux transports est parti pour le port », dont la gestion basculait vers la société privée Mayotte Channel Gateway. Les travaux ne peuvent donc être lancés en 2017 comme l’impose l’Europe, Mayotte prend du retard, et obtient une dérogation d’un an, la sécurisation de la piste doit donc être bouclée au 31 décembre 2018.

Sollicitée par la députée Mahoraise Ramlati Ali sur la sécurisation de la piste aux normes européennes, la ministre des Transports Elisabeth Borne, par la voix du secrétaire d’Etat Le Cornu, avait répondu en séance à l’Assemblée nationale le 19 décembre, qu’il n’en coûterait que 13 millions d’euros, pour « une solution qui permettrait de ne pas répercuter sur le prix du billet d’avion ». En réalité, l’Etat ne déboursera que 500.000 euros, soit autant que le conseil départemental qui reverse là les avances du Feder pour l’étude de la piste longue.

Rien n’est encore bouclé

Du côté des fonds européens, impossible de rattraper le tour de passe-passe qui a déshabillé l’aéroport pour habiller le port, « ce fut excessivement difficile de gratter 3 millions d’euros au Feder », rapporte encore Gérard Mayer. Les 9 millions d’euros restant, c’est EDEIS qui va les emprunter, qu’il va financer sur les redevances appliquées à Mayotte… que les compagnies aériennes vont bien répercuter sur le prix des billets, contrairement à ce qu’avançait monsieur Lecornu, « soit 2,80€ par passager, ainsi que 0,54 € de taxe d’atterrissage pour les gros porteurs ».

On peut légitimement penser que de son côté, EDEIS en tant que 3ème groupe aéroportuaire français, ne fait pas non plus dans la philanthropie. Mais selon Jean-Pierre Bes, Secrétaire général du Syndicat des Compagnies Aériennes autonomes, le délégataire EDEIS aurait « renoncé à tirer bénéfice de l’opération ».

Donc, non seulement le désengagement de l’Etat a retardé le chantier, mais il impose aux passagers le financement de l’infrastructure. Et pour l’instant, rien n’est encore complètement bouclé, Gérard Mayer reste prudent : « Nous attendons l’accord des banques et l’autorisation de l’Etat pour l’amortir sur 30 ans ».

Ce n’est pas la première fois que les usagers mettent la main à la poche, puisque les 45 millions d’euros de la construction de l’aéroport avait été payée par la SNC Lavalin, « l’Etat n’avait déboursé que 10 millions d’euros de subvention, là où les projets similaires recueillent 70% de fonds publics », qu’elle a financé par une redevance déjà supportée par les compagnies aériennes. Qui compensent sur le prix du billet.

Inutile de dire que l’Etat n’envisage aucunement de lancer le chantier de la piste longue, à moins que ce ne soit encore une fois sur le dos des voyageurs, avec des billets dont le prix connaitraient une telle inflation qu’il n’y aurait plus personne dans les avions.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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