« Le ministre de la Santé a désigné Mayotte et la Guadeloupe comme départements prioritaires »

Deuxième décès lié au Covid-19, forte hausse du nombre de cas, perturbation des livraisons aériennes, insuffisance du matériel de protection : Dominique Voynet répondait aux médias ce jeudi

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Utiliser les réseaux de communication existants (Image d'archive)

L’heure était grave ce jeudi lors de l’audioconférence de presse bihebdomadaire que tient Dominique Voynet. Tout d’abord parce que le virus a tué une 2ème personne. Les circonstance sont à peu prés les mêmes, bien que le 2ème défunt soit plus âgé, 63 ans : « Le premier avait eu le temps d’être admis en réanimation, juste avant de décéder, ce qui n’était pas le cas du second qui était suivi médicalement, lui aussi pour un état général catastrophique, et arrivé à l’hôpital en état d’épuisement. Il a été diagnostiqué positif au Covid-19 après. »

Ensuite, c’est la première fois que Mayotte enregistre autant de nouveaux cas, 15, faisant monter à 116 le nombre de personnes touchées depuis le début de la maladie. C’est essentiellement parce qu’il y a eu davantage de dépistages dans les « clusters » (les cas groupés) éventuels : « Nous avons exploré les foyers possibles, notamment ceux d’un groupe professionnel, notamment dans le secteur de la santé. On recherche s’il s’agit d’une contagion contracté auprès de patients, ou faute de respect des gestes barrières. Il faut dire que dans le cadre des relations professionnelles, on rompt davantage les barrières.»

Les 2ème patient n’a pas eu le temps d’être pris en charge par la réanimation

A ce sujet, et parce que la notion de « cas contact » est floue, la directrice de l’ARS se fait plus précise : « L’écrasante majorité de cas est liée aux voyages. Certains se sont développés au sein d’une même famille. Mais pour deux autres ‘foyers’, nous avons deux fréquentations possibles : ils sont tous allés dans le même cabinet médical et tous allés aux mêmes obsèques. Dans ce cas, le risque est grand, puisqu’on a tendance à vouloir montrer de la compassion envers la familles, et donc à oublier de ne pas serrer des mains, ou s’embrasser. » Dominique Voynet a contacté un maire pour l’informer d’un cas de contagion potentiel dans sa commune, « ça a très bien fonctionné, il a appelé le cadi qui a diffusé un message à la mosquée. Statistiquement, il y a davantage de cas à Mamoudzou, mais c’est normal, la commune est vaste. » Elle déplore des réactions de discrimination, « certains ont été chassés de leur famille, ce n’est quand même pas la peste noire ! On peut vivre ensemble en prenant des précautions. » Les gestes adéquats ont été rappelés dans le dernier bulletin de l’ARS.

La réserve médicale débloquée pour Mayotte

Des entreprises proposent des masques produits avec l’imprimante 3D

Bien qu’enregistrant un cas pour 3.000 habitants, Mayotte n’est pas en situation épidémique, « nous sommes entre les stades 2 et 3, avec moins de gens en réanimation qu’aux Antilles ». Le patient zéro aurait été retrouvé, mais en l’absence de signes flagrant, « un dépistage ne sera pas forcément positif. »

L’aiguille du baromètre des préoccupations est légèrement remontée en raison de l’annonce de dessertes régulières en fret : « Après la livraison ce jeudi qui répond aux besoins habituels du CHM, deux gros porteurs sont annoncés deux fois par semaine en provenance de La Réunion, articulés avec le fret permis par leurs deux dessertes hebdomadaires depuis Paris, et un vol cargo ». Les deux départements devront partager équitablement les 90 tonnes hebdomadaires de fret… Ra Hachiri, donc (Soyons vigilants).

Deux difficultés perdurent, dont une est en passe d’être levée. Le premier sent le vécu, il concerne les risques de rupture de la chaine du froid dans les transports des tests, « il faut améliorer la logistique ». Le second porte sur le transport des renforts médicaux, dont la réserve sanitaire, que Mayotte vient d’obtenir après de nombreuses demandes, « c’était très difficile, mais le ministre de la Santé a désigné la Guadeloupe et Mayotte comme départements prioritaires ». La directrice de l’ARS a donc envoyé ses désidératas, « une liste de 26 personnels de santé, plus particulièrement en réanimation, urgentistes, pharmaciens, biologistes, logisticiens, etc. »

Envoi d’obus potentiel par le Mistral

Le Champlain livrera également Mayotte dimanche (Photo JDM)

Le Mistral soufflait un peu moins le chaud et le froid sur la conférence de presse, avec peu de probabilité qu’il embarque des patients malgré l’annonce du premier ministre, « s’il peut déjà nous envoyer une noria d’obus à oxygène ! » Dominique Voynet annonçait qu’un autre bâtiment militaire, le Champlain, accoste ce dimanche à Mayotte pour l’approvisionner en citerne supplémentaire d’oxygène.

Le matériel de protection comme les masques, devient un enjeu stratégique international, puisque plusieurs millions d’une commande destinée à la France auraient été détournés par les Etats Unis… « Nous sommes un peu moins en tension pour le CHM où nous avons toujours 10 jours d’avance en distribuant chichement le matériel, mais il faut mieux équiper les personnels au contact avec du public, comme la police et la gendarmerie. » L’enjeu est important, puisque sans protection pour les salariés, certaines entreprises et certains services pourraient fermer.

Plusieurs propositions de fabrication de masques en imprimante 3D nous sont remontées, « j’ai donné mon feu vert au recteur pour qu’ils soient fabriqués dans ses laboratoires. »

En matière de test, qui font la réussite de la lutte sud-coréenne et allemande contre le virus, le stock est jugé « suffisant », par Dominique Voynet qui ne juge pas qu’un dépistage systématique soit efficace, « notamment quand le porteur est asymptomatique », sans symptôme. Pourtant, la position de l’Organisation Mondiale de la Santé se résume en 3 mots, « testez, testez, testez ».  Si Mayotte a « de quoi tenir jusqu’à la semaine prochaine », avec donc un dépistage « a minima », elle a été privée d’une livraison prévue, « cette semaine, le pilote d’Air France a refusé de la charger pensant que c’était une cargaison frigo. » Le test de dépistage rapide, en 15 mn, mis au point par une start-up bretonne suscite beaucoup d’espoir.

Anne Perzo-Lafond

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